De 1938 à nos jours

La Turquie après Atatürk

Moustafa Kémal, président-fondateur de la République turque, meurt le 10 novembre 1938, à 9h05, à Istamboul.

Toutes les horloges du palais de Dolmabahçe où il est décédé sont encore arrêtées à cette heure... Et depuis cette date, tous les ans, à 9h05, les Turcs respectent une minute de silence en signe d'hommage au Ghazi qui leur a donné une identité nationale et fondé leur État. La circulation s'arrête cependant que résonnent dans le port d'Istamboul les sirènes des bateaux.

L'héritage kémaliste

Ismet Inönü (24 septembre 1884 ? 25 décembre 1973)Dès le 11 novembre 1938, la Grande Assemblée nationale d'Ankara porte à la présidence de la République Ismet Inönü, fidèle compagnon d'armes et bras droit d'Atatürk, également son Premier ministre pendant de longues années.

Cet ancien militaire de 54 ans, héros de la Guerre d'indépendance contre les Grecs, ne partage pas l'athéisme militant de son mentor et pratique au contraire une religiosité discrète. Aussi ne va-t-il pas tarder à revenir sur quelques dispositions laïcistes qui outragent les fidèles, comme l'obligation pour les muezzin de prier en turc et non en arabe...

La laïcité, inscrite dans la Constitution depuis 1938, n'a pas grand-chose à voir de ce fait avec l'idée que s'en font les Occidentaux et les Français. Elle exprime non pas la séparation de l'État et de la religion, mais la subordination de celle-ci et de son clergé au pouvoir. D'ailleurs, l'islam est toujours religion d'État en Turquie.

À l'image de Moustafa Kémal, Inönü va poursuivre l'exercice autoritaire du pouvoir, avec l'assistance d'un parti unique, le Parti républicain du Peuple. Il va s'attribuer même le qualificatif de Milli Şef (Chef national) pour faire bonne figure auprès des Duce, Caudillo, Conducator et autre Führer de son époque.  

Pendant la Seconde Guerre mondiale, fidèle à l'héritage kémaliste, il va prendre soin de maintenir le pays en-dehors du conflit tout en cultivant des relations très amicales avec les Allemands et en leur offrant de multiples facilités. Ainsi leur fournit-il du chrome par le traité du 18 juin 1941. 

Rencontrant à Adana Winston Churchill en février 1943, il refuse obstinément d'entrer en guerre du côté des Anglo-Saxons. C'est seulement en février 1945 qu'il déclare la guerre à l'Allemagne et au Japon, histoire d'être au côté des vainqueurs par la suite.

À ce moment-là, il concède aussi le multipartisme. Du coup, son rival Celâl Bayar passe dans l'opposition ouverte en créant le Parti démocrate, soucieux de libéralisme économique et d'une laïcité plus conciliante. Grâce au vote en sa faveur de la nouvelle bourgeoisie urbaine, il le met en minorité aux élections législatives du 14 mai 1950 et prend sa place à la présidence de la République.

Dans la guerre froide qui se précise, la Turquie, mitoyenne de l'URSS, prend franchement le parti des États-Unis. Elle adhère à l'OTAN et envoie un contingent en Corée !

Le 27 mai 1960, le président Bayar et son Premier ministre Menderes sont victimes d'un coup d'État brutal du général Cemal Gürsel, qu'irritent les atteintes du gouvernement aux principes de laïcité.

Dès lors, l'armée ne va cesser de se poser en gardienne vigilante de l'héritage kémaliste jusqu'à sa mise au pas par Récep Tayip Erdogan, le 22 février 2010, avec l'arrestation de cinquante officiers de haut rang !...

Publié ou mis à jour le : 2023-05-30 15:04:24
Lucas (17-01-2018 20:49:54)

Très bon article, comme d'habitude évidemment, mais je tenais à signaler une petite erreur, sûrement une faute d'inattention : vers la fin de l'article, le nom du leader kurde et fondateur du PKK ... Lire la suite

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