6 juillet 1535

Décapitation de Sir Thomas More

Sir Thomas More, par Holbein Le 6 juillet 1535, Sir Thomas More quitte la Tour de Londres après quinze mois de détention pour être décapité sur ordre du roi Henri VIII Tudor« Ayez l'obligeance de me donner la main pour monter, car pour descendre, je me débrouillerai bien tout seul ! » dit-il au bourreau.

Thomas More est un brillant humaniste et l'auteur d'un ouvrage mémorable, L'Utopie. Nommé lord chancelier du royaume d'Angleterre par Henri VIII en 1529, il est le premier laïc à accéder à cette fonction, équivalente à celle de Premier ministre, où il succède au cardinal Thomas Wolsey dans des conditions dramatiques.

Gabriel Vital-Durand
Wolsey, prélat corrompu

Thomas Wolsey, est devenu en 1515 tout à la fois archevêque d'York, cardinal et lord chancelier. Mais ce diplomate habile est aussi un redoutable prévaricateur.

Amoureux du faste, en digne prélat de la Renaissance, le cardinal Wolsey tient une cour de rang royal dans sa résidence d'Hampton Court. Il fonde à Oxford le Collège Cardinal (aujourd'hui Christ Church College).

Thomas Wolsey (1473-1529), cardinal lord chancelier d'Angleterre (portrait du Christ Church College, Oxford)Son arrogance dépasse les bornes. Il se fait nommer légat du pape en Angleterre (curieux mélange des genres avec sa fonction de chancelier) et il tente d'acheter les cardinaux du Sacré Collège, à Rome, pour se faire lui-même élire pape.

Il touche de l'argent de tous les côtés et, de cette façon, se laisse convaincre d'arranger la rencontre du Camp du Drap d'Or avec le roi de France, François Ier. Mais il est disgrâcié pour n'avoir pas obtenu du pape le divorce du roi et de Catherine d'Aragon, cette dernière se montrant inapte à donner un héritier mâle à la dynastie.

Il succombe à la maladie tandis qu'on l'amène à la Tour de Londres en vue de son incarcération. « Ah ! si j'avais servi Dieu avec autant de zèle que mon roi, il ne m'aurait pas abandonné ! » dit-il non sans impudence. On découvrira après sa mort qu'il portait un cilice sous ses somptueux vêtements.

More, humaniste et homme de foi

Quand, dans un climat aussi crispé, Thomas More (50 ans) accède à la charge de chancelier, il a des raisons d'être inquiet. Ancien membre du Parlement et conseiller du roi, il doit lutter contre la poussée du luthérianisme en Angleterre. Sans trop d'aménité, semble-t-il, il jette en prison une quarantaine d'hérétiques et en livre une demi-douzaine au bûcher.

Mais ce sont les affaires matrimoniales d'Henri VIII qui vont lui causer les plus graves soucis.

Plus que jamais désireux de se débarrasser de sa femme, le roi se laisse convaincre par un conseiller, Thomas Cranmer, de se dispenser de l'avis du pape et de prendre celui de quelques théologiens. Lesdits théologiens ne se font pas faute de donner raison au souverain.

Pour le roi, le temps presse car Anne Boleyn est enceinte et il importe que l'enfant, si c'est un garçon, naisse dans le mariage pour pouvoir hériter du trône... Nommé archevêque de Canterbury, Thomas Cranmer unit en secret le roi et sa maîtresse en janvier 1533. Et le 23 mai 1533, il déclare invalide le mariage avec Catherine d'Aragon.

Le 11 juillet 1533, le pape, décidément maladroit, réplique en excommuniant le roi, autrement dit en lui interdisant l'accès aux sacrements de l'Église catholique. C'est la rupture, d'autant plus malvenue qu'elle survient alors que l'Allemagne est en pleine ébullition religieuse et se révolte contre Rome à l'appel de Luther et quelques autres réformateurs.

Les rapports du chancelier Thomas More avec Henri VIII se dégradent brutalement lorsque le roi signe en 1534 l'Acte de Suprématie par lequel il rompt avec le Saint-Siège et s'affranchit de l'autorité pontificale. Le roi ne veut plus voir dans le pape que le simple évêque de Rome... tout en continuant de se réclamer de la foi catholique.

Sir Thomas, fidèle à ses engagements religieux, refuse de prêter serment au nouveau chef de l'Église anglicane.

Le tribunal royal se réunit en juin 1535 et le condamne pour trahison à la décapitation publique. Est également condamné, pour les mêmes motifs, l'archevêque de Rochester, Jean Fischer. Leurs têtes allaient rester exposées à des crocs, pendant un mois, sur le pont de Londres (London Bridge, le seul pont dont disposait la ville à l'époque).

L'invention de l'utopie

Béatifié tardivement par l'Église catholique en 1886 et canonisé en 1935, Thomas More est, bien plus qu'un « saint », un humaniste. Il est l'auteur d'un essai politique publié en latin (la langue des lettrés de l'époque) en 1516 : « De optimostatu rei publicae deque nova insula Utopia », connu en français sous le titre abrégé : L'Utopie.
Cet ouvrage d'une très grande audace dénonce l'intolérance religieuse et met en scène un monde idéalisé où tous les citoyens trouveraient le bonheur sur terre. La propriété privée y est inconnue. Le travail obligatoire assure la prospérité générale. Et la liberté du culte y est garantie ! De quoi scandaliser les contemporains à la veille de la Réforme luthérienne et des guerres de religion entre catholiques et protestants.
Le titre de l'ouvrage, notons-le, est un néologisme forgé par l'auteur. Il désigne en grec un lieu qui n'existe pas :"ou" (négation) + "topos" ("lieu") + suffixe-ia. ! C'est dire le peu d'espoir que Thomas More mettait dans la réalisation de ses rêves (de son utopie)... L'utopie est devenue un nom commun dans toutes les langues occidentales.

Publié ou mis à jour le : 2022-09-21 18:06:56
ROBERT (11-08-2021 14:42:06)

Je viens de regarder surARTE un film sur Thomas More intitulé Un homme pour l'éternité.Remarquable.Pour completer,je lis votre article et suis scandalisée que ce personnage ait été béatifié et... Lire la suite

Baudet (22-04-2020 14:35:12)

Je vous remercie pour ce papier sur Thomas More. Avec mon épouse, nous animons une association internationale, 'Amici Thomae Mori' qui publie depuis son origine la revue universitaire Moreana sur l'Ã... Lire la suite

Niki (06-07-2018 20:58:14)

Malgré tout, avec sa grande foi catholique, il n'a pas hésité à mettre quelques"hérétiques" au bûcher

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