Jeanne du Barry (1743 - 1793)

« Encore un moment, monsieur le bourreau »

Jeanne Bécu, restée dans la postérité sous le nom de comtesse du Barry, fut la dernière maîtresse officielle du roi Louis XV. Elle s'est gardée de le conseiller dans les affaires publiques, à la différence de la marquise de Pompadour, sa précédente maîtresse. Mais elle l'a sorti de sa dépression, lui a rendu la joie de vivre, l'a aidé à surmonter sa timidité et prendre confiance en lui-même. 

On peut de la sorte lui attribuer une responsabilité indirecte dans les réformes audacieuses de la fin du règne. Mais la Cour ne lui en sera aucunement gré et elle n'arrivera jamais à se défaire de ses origines populaires et de son passé de courtisane...

Camille Vignolle
Madame du Barry en Flore, tenant une corbeille de rose, François-Hubert Drouais, 1770, collection particulière, Montpellier, musée Fabre.Agrandissement : Madame du Barry en Flore, François-Hubert Drouais, 1773, musée des Beaux-Arts d'Agen.

Une modiste à la cour

Née à Vaucouleurs (Lorraine) des amours d'une couturière, Anne Bécu, et d'un jeune moine déluré, Frère Ange, Jeanne se signale dès son enfance par sa beauté et sa mine affable. Sa mère ayant dû aller à Paris, au service d'une riche famille, celle-ci s'entiche de Jeanne et lui fait donner une éducation soignée chez les soeurs. 

Madame du Barry, François-Hubert Drouais, Collection privée. Agrandissement : Madame du Barry, Jean-Baptiste Greuze, XVIIIe siècle.À quinze ans, elle s'amourache d'un coiffeur pour dames, auprès duquel elle apprend l'art de la toilette, puis entre au service d'une riche veuve auprès de laquelle elle complète son éducation. Elle sert également dans une boutique de mode. Mais les débouchés de la profession étant limités et sa beauté gracieuse ne laissant aucun homme indifférent, elle en vient à pratiquer la galanterie, autrement dit la prostitution de haut vol... La rumeur prétend qu'elle aurait même exercé dans une maison spécialisée sous le nom de Mlle Lange (en référence à son père naturel !).

Repérée en 1764 par le comte Jean du Barry, libertin notoire surnommé Le Roué (!), elle devient sa maîtresse. Le comte spécule sur ses charmes et la présente à différents personnages de la Cour, dont l'influent duc de Richelieu, petit-neveu du cardinal.

On est en 1768. Le roi, à 58 ans, souffre d'une impopularité croissante et ne se remet pas de la disparition de sa confidente, la marquise de Pompadour, quatre ans plus tôt. Il est qui plus est affecté par de nombreux décès autour de lui, dont son fils le Dauphin.

La comtesse du Barry en Flore par François-Hubert Drouais en 1769 puis 1770, Washington, National Gallery of Art et musée du Prado.Le duc de Richelieu ambitionne de ravir la place du duc de Choiseul, Premier ministre du roi et ancien protégé de la marquise. Il va pour cela se servir de Jeanne Bécu en obtenant du premier valet du roi, son « ministre des plaisirs » Dominique Lebel, qu'il la place sur son chemin. 

Séduit par la beauté, la vivacité d'esprit et la joie de vivre de la jeune femme, alors âgée de 25 ans, séduit aussi par son expérience, le roi découvre avec elle la plénitude sexuelle.

Après le deuil de son épouse Marie Leszczynska, morte le 24 juin 1768, il décide de l'élever au rang de maîtresse officielle. Mais pour cela, il lui faut la présenter à la Cour. Bravant le scandale, il arrange un mariage de convenance entre Jeanne Bécu et le comte Guillaume du Barry, frère du précédent.

La nouvelle comtesse peut enfin faire sa présentation le 22 avril 1769, alliant tout à la fois la beauté, la grâce et l'amabilité. Ses faveurs, on s'en doute, suscitent jalousies et haines féroces dans le milieu aristocratique de Versailles.

Mesdames, les filles du roi, lui en veulent de salir la réputation de leur père. La cadette Louise de France se fait un devoir de prier pour le salut de son âme et entrera même au Carmel de Saint-Denis en septembre 1770 pour expier les fautes de son père, au grand désespoir de celui-ci.

La comtesse du Barry et son page Zamore, Jean-Baptiste Gautier d'Agoty, 1775, Lisbonne, musée Calouste Gulbenkian.Leur neveu le Dauphin, futur Louis XVI (20 ans), est quant à lui séduit par la grâce de la nouvelle favorite. Ce ne sera pas le cas de son épouse. Dès son arrivée à Versailles en mai 1770, la petite archiduchesse Marie-Antoinette, fille de l'impératrice Marie-Thérèse, va se tenir éloignée de la favorite.

Mais les plus vives attaques vont venir de l'entourage du duc de Choiseul qui multiplie les libelles diffamatoires contre la comtesse du Barry. Celle-ci ne s'en affecte pas et garde le sourire. Elle tourbillonne au milieu des intrigues en faisant en sorte de ne jamais insulter personne.

En décembre 1770, toutefois, le roi, excédé par les diatribes de Choiseul à l'égard de sa maîtresse, exile le duc dans son domaine de Chanteloup, au-dessus d'Amboise. Ce n'est pas une grande perte pour l'État. Excellent diplomate, le duc a su en particulier négocier le retournement d'alliance avec l'Autriche et le mariage du Dauphin et de Marie-Antoinette, ainsi que l'achat de la Corse. Mais il se montre excessivement complaisant envers les « philosophes » et les parlementaires, chefs de file des classes privilégiées.

À sa place accèdent à la tête du gouvernement le duc d'Aiguillon, ministre des Affaires étrangères et de la Guerre, l'abbé Terray, contrôleur général des finances et le chancelier Maupeou. Ce « triumvirat » va avoir raison des parlementaires et ouvrir la voie à des réformes vigoureuses et pleines de bon sens, sans craindre d'affronter l'impopularité.

« Ton café fout le camp ! »

L’écrivain (bien oublié) Pisandat de Mairobert publie en 1777 une satire à charge sur la comtesse du Barry, composée d’un ramassis d’anecdotes. Ainsi raconte-t-il que, voyant le café déborder sur la plaque, elle aurait lancé à Louis XV, son amant : « Eh, la France, prends donc garde ! Ton café fout le camp ! » Il se pourrait que la comtesse se soit en fait adressée à l’un de ses valets qui s’appelait La France…

Le pavillon de musique de la comtesse du Barry à Louveciennes

Derniers feux de la vie aristocratique

Le règne s'achève dans une débauche de fêtes et de luxe. La comtesse elle-même est couverte de cadeaux et de bijoux par le roi.

Madame du Barry par Élisabeth Vigée Le Brun en 1781 puis 1789, musée d'Art de Philadelphie et collection privée. Dès 1769, il lui offre un « négrillon » de sept ans acheté à des navigateurs anglais. Du nom de Zamor, ce Siddi (noir) originaire du Bengale, va être éduqué par la comtesse en lieu et place des enfants qu'elle n'a jamais eus et contribuer à divertir le roi.

Louis XV fait aussi bâtir pour sa maîtresse un joli « pavillon des Eaux » à Louveciennes, près de Marly, à l'ouest de Paris. La décoration en est confiée à l'architecte Jacques-Ange Gabriel.

Mais comme le pavillon s'avère trop petit pour recevoir le roi et sa suite, la comtesse projette un « pavillon de musique » dédié aux réceptions à l'extrémité de son parc, au-dessus de la vallée de la Seine. Elle en confie la réalisation à un jeune architecte prometteur, Claude Nicolas Ledoux, lequel invente pour l'occasion le « style du Barry » qui s'épanouira plus tard en style Louis XVI, et dont l'une des plus belles réalisations sera la cité d'Arc-et-Senans (Doubs), par le même Ledoux.

Quand le roi Louis XV tombe malade en mai 1774, victime de la variole noire, la comtesse reste à son chevet, sincèrement affectée, tandis que s'éloignent la plupart des courtisans. Mais le roi, soucieux de mourir en bon chrétien, s'oblige à l'éloigner et lui demande de quitter Versailles pour le domaine du duc d'Aiguillon, à Rueil.

portrait présumé de Zamore (1762-1820), page de la comtesse du Barry (musée Carnavalet)Sitôt sur le trône, le jeune Louis XVI l'envoie dans un couvent sous la pression de ses tantes, les filles du défunt roi.

Elle en sortira au bout d'un an grâce à la médiation du prince de Ligne, l'un de ses anciens amants, et pourra enfin  se retirer dans sa belle demeure de Louveciennes, où elle cultivera une longue liaison amoureuse avec le duc de Cossé-Brissac, capitaine des gardes suisses du roi et gouverneur de Paris. Elle se signalera par sa bonté envers les humbles, s'attirant le surnom de « bonne dame de Louveciennes ».

La fin est plus triste. Ayant dédaigné d'émigrer au commencement de la Révolution, la comtesse du Barry se rend à Londres à plusieurs reprises au motif d'y récupérer ses bijoux qui ont été volés à Louveciennes.

Madame du Barry conduite à l’échafaud, dessin extrait du livre de Tighe Hopkins, The Dungeons of Old Paris, 1897. Ces voyages la rendent suspecte et elle est arrêtée pendant la Terreur, le 22 septembre 1793, sous l'inculpation d'intelligence avec l'ennemi.

Son dossier d'accusation est étayé par le page Zamore qui la charge de tous les crimes de la terre, sans doute sous la pression des juges.

Internée à Sainte-Pélagie, Jeanne Bécu est guillotinée le 8 décembre suivant, sur l'actuelle place de la Concorde, à Paris, après avoir dénoncé plusieurs personnes dans le vain espoir de sauver sa (jolie) tête. La légende voudrait qu'à l'instant de mettre sa tête sous le tranchant de la guillotine, elle ait supplié le bourreau : « Encore un moment, monsieur le bourreau » !

Publié ou mis à jour le : 2023-05-21 13:11:57

Voir les 6 commentaires sur cet article

Yves Petit (21-05-2023 13:28:28)

Au lieu de s'occuper de ses nombreuses maitresses, Louis XV, le pire roi de France, aurait dû s'occuper de son peuple et de ses colonies. Avoir eu un roi aux affaires, il aurait pu bâtir une défens... Lire la suite

Osmane (21-05-2023 12:05:06)

Très bon article

Michel (21-05-2023 10:59:04)

La comtesse s'est attribuer le Château dit de la comtesse du Barry à Lévignac/Save ( 31530) acquis plus tard par Gaston Monnerville (rad. Soc. Pdt du Séant) et antigaulliste militant ! Ce châte... Lire la suite

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