Rosalind Franklin (1920 - 1958)

Pionnière oubliée de l'ADN

Rosalind Franklin, Encyclopédie Britannica.En 1962, James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins obtiennent le prix Nobel pour la découverte de la structure à double hélice de l’ADN. Cette découverte a été permise grâce à un cliché obtenu par diffraction des rayons X, mais ce cliché n’a été pris par aucun de ces trois hommes.

Il a été pris par Rosalind Franklin, physico-chimiste britannique, pionnière dans le domaine de la biologie moléculaire, qui fut en effet la première à avoir formulé la structure de l’acide désoxyribonucléique (ADN).

Il est temps de restaurer la réalité de la contribution décisive de cette brillante scientifique à une découverte majeure dont les répercussions commencent à peine à se faire sentir.

Charlotte Chaulin

Une scientifique dans la tourmente

Rosalind Elsie Franklin naît le 25 juillet 1920 à Notting Hill, un quartier huppé de Londres, dans une famille juive influente.  Son père, Arthur Ellis Franklin, est banquier d’affaires et professeur au Working Men’s College, un des premiers établissements de formation continue du Royaume-Uni et d’Europe.

Rosalind Franklin, 1945, DR.Élève brillante, Rosalind effectue un parcours scolaire exemplaire. À 11 ans, elle intègre la St Paul’s Girls’ School, l’une des rares écoles où la physique et la chimie sont enseignées aux jeunes filles. 

En 1938, elle empoche avec brio son diplôme de fin d’études et obtient une bourse universitaire. Mais ce n’est pas elle qui en profite car son père lui demande de la céder à un réfugié. La montée du nazisme a en effet poussé la famille Franklin à accueillir des jeunes juifs fuyant l’Allemagne. 

Rosaling intègre malgré tout le Newham College, à l’université de Cambridge et obtient en 1945 un doctorat de chimie grâce à son étude sur la porosité de structures de carbones. 

La guerre finie, elle se rend à Paris grâce à Adrienne Weill, une réfugiée qu’elle a rencontré à Cambridge et qui a étudié à l’université Pierre et Marie Curie. Elle poursuit alors ses études au Laboratoire central des services chimiques de l’État de 1947 à 1950.

Aux côtés du chercheur Jacques Mering, elle se forme à la cristallographie aux rayons X. Ses années parisiennes font partie des plus belles de sa vie, dira-t-elle. 

Rosalind Franklin, Vittorio Luzzati, juillet 1950 à Paris, Londres, National Portrait Gallery.

Ses nouvelles aptitudes lui permettent de pousser un peu plus loin ses études sur le charbon, notamment sur le passage du charbon au graphite. 

En 1950, elle obtient une bourse pour travailler au King’s College et rentre donc à Londres. Son directeur de laboratoire John Randall la dirige vers l’étude de l’ADN (acide désoxyribonucléique). 

Deux binômes travaillent en parallèle sur la structure de l’ADN : Rosalind Franklin et Maurice Wilkins d'un côté, Francis Crick et James Watson de l'autre. Contrairement à Franklin, ces deux derniers ne sont pas des expérimentateurs. Mais ils sont, eux, dans une course contre la montre car ils veulent être les premiers à découvrir la structure de l'ADN.

Rosalind Franklin en 1955, Universal History, Encyclopédie Britannica.La collaboration avec Wilkins, misogyne, tourne au vinaigre. Rosalind a son caractère et ne se laisse pas faire. Leur directeur, John Randall, est contraint d’y mettre fin. C’est avec un autre collègue, Raymond Gosling, que Franklin réalise ses premiers clichés par spectrographie à rayons X. 

Le 51ème cliché est le bon. Rosalind Franklin réalise en effet le premier cliché qui donne une preuve formelle de la structure de l’ADN à double hélice. Pourtant, ce n’est pas elle qui en tirera la gloire méritée.

Maurice Wilkins fait, sans son autorisation, des duplicatas des clichés et les montre à Watson. Ce dernier les fait passer alors à Crick qui a désormais la certitude de la structure hélicoïdale en double hélice. Rosalind, elle, est moins sûre de l'intérêt de la découverte.

Le 25 avril 1953, Watson et Crick publient un article dans la célèbre revue scientifique Nature où ils décrivent pour la première fois la structure de la molécule d'ADN (acide désoxyribonucléique), support du patrimoine génétique de tous les êtres vivants. 

Rosalind Franklin, 1940 puis 1955, Rosalind Franklin University, DR.

Disparue trop tôt, trop vite oubliée

La « Dark Lady » meurt prématurément le 16 avril 1958 à Chelsea, à Londres, à l’âge de 37 ans, d’un cancer de l’ovaire. Tout comme la leucémie qui a emporté Marie Curie, sa maladie est probablement liée à ses expositions aux radiations.

Quatre ans plus tard, en octobre 1962, James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins obtiennent le Prix Nobel de physiologie-médecine pour la découverte de la structure à double hélice de l’ADN. Ils reçoivent avec fierté le prix des mains du roi de Suède, à Stockholm.

Si le nom de Rosalind Franklin a été écarté, c’est aussi parce que le Nobel ne peut être décerné à titre posthume. Reste que ses collègues auraient pu insister davantage sur l’importance de ses recherches...

Réhabilitée au XXIème siècle, la chercheuse a bénéficié de divers hommages. Par exemple, en 2003, la Royal Society de Londres a créé un prix à son nom pour honorer chaque année une femme scientifique dans les domaines des STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques).

En 2008, elle reçoit à titre posthume le prix Louisa-Gross-Horwitz, un prix scientifique décerné par l’université Columbia à un chercheur ayant apporté une contribution remarquable à la recherche fondamentale dans les domaines de la biologie et de la biochimie. 

Ce parcours étonnant est là pour nous rappeler l'importance de ces femmes oubliées par l’Histoire, notamment dans le domaine des sciences et dans l’attribution des prix Nobel, dont seulement 4% ont été attribués à des femmes à ce jour.


Publié ou mis à jour le : 2022-12-17 20:24:16

Voir les 4 commentaires sur cet article

STEPHAN (15-08-2021 19:53:26)

Bravo à cette femme, les hommes toujours aussi minables, ce n'est pas avec eux qu'on va sauver l'humanité

JEM (27-07-2020 16:54:40)

Remarquable article qui devrait permettre de rétablir sa mémoire dans l'approche scientifique sur l'ADN. Mais aussi, pour contribuer à rétablir la place de la femme dans les sociétés. Bien à v... Lire la suite

Philon (26-07-2020 13:07:27)

Merci pour cet article
Que sait-on de ses réactions à la publication de 1953 du trio ? Votre article semble indiquer qu'elle ne se laissait pas faire.
cordialement

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