Turenne (1611 - 1675)

Maréchal de coeur

Henri de Turenne (1611-1675), sanguine de Charles Le BrunLe maréchal Henri II de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, fut l'un des plus grands capitaines de son temps. 

Malgré quelques erreurs de jeunesse et un coeur moins rude que sa carcasse, malgré surtout la dévastation du Palatinat, il figure parmi les gloires militaires de la France. 

Sa bravoure, son aptitude au commandement et son sens de la stratégie lui valent de recevoir en 1643, à 32 ans, la dignité de Maréchal de France puis en 1660, celle, très rare, de Maréchal général des camps et armées du roi. Deux siècles après sa naissance, il sera encore une source d’inspiration pour Napoléon.

Petit-fils par sa mère du libérateur des Pays-Bas Guillaume le Taciturne, Turenne a, il est vrai, de qui tenir. Il est dépeint comme un homme solide et réservé, à l’image de son grand-père. Le trait le plus marquant de son caractère est la confiance qu'il inspire...

Un soldat vulnérable côté coeur

Le futur maréchal vient au monde à Sedan, le 11 septembre 1611, au foyer d’Henri de la Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, prince de Sedan et vicomte de Turenne.

Dès l’âge de 14 ans, suivant la tradition familiale, il entre dans la carrière des armes et se porte volontaire au service des États généraux des Provinces-Unies, sous les ordres de son oncle maternel, Frédéric-Henri d'Orange-Nassau. Soldat dans la garde du corps du prince, il est nommé capitaine d'infanterie à l'âge de 15 ans. Son service militaire en Hollande dure cinq ans et lui vaut une mention spéciale pour la bravoure dont il fait preuve lors du siège de Bois-le-Duc en 1629.

Remarqué par le cardinal de Richelieu, il entre là-dessus au service du roi de France Louis XIII  avec son propre régiment d'infanterie.

En mars 1634, profitant de la guerre de Trente Ans qui fait rage en Allemagne, l'armée française met la main sur la Lorraine. La seule place importante qui lui manque est la forteresse de la Mothe, aux mains du duc Charles de Lorraine, le commandant des forces des  Habsbourg.

Celle-ci est alors encerclée par l'armée française du maréchal La Force qui, pour débloquer la situation, ordonne au très jeune colonel de mener son régiment à l'assaut d'une brèche dans les défenses de la place forte. Sous le feu de l’artillerie ennemie qui pilonne à volonté, Turenne garde son calme et dirige ses soldats qui arrivent à trouver un passage jusqu’à la forteresse où la garnison finit par se rendre. Un succès si impressionnant qu’il lui permet de devenir le 21 juin 1635, à 24 ans,  maréchal de camp, l’équivalent d’un général de division.

xxx

Il s'empare de Turin le 17 septembre 1640. En 1644, il reçoit le commandement de l'armée d'Allemagne et par ses victoires en Allemagne, aux côtés du jeune duc d'Enghien, héros de Rocroi, oblige les ennemis de la France à conclure les traités de Westphalie...

Mais le soldat gâte ses atouts quand éclate la Fronde contre Mazarin, le Premier ministre du jeune roi Louis XIV.

Dans un premier temps, son frère le duc de Bouillon le convainc de rejoindre les frondeurs mais ses troupes, soudoyées par Mazarin, refusent de le suivre. Abandonné, il se réfugie en Hollande en mars 1649.

Le roi lui fait la faveur de l'amnistier mais le jeune Turenne n'en retourne pas moins du côté des frondeurs et du prince de Condé, ex-duc d'Enghien. Il va auprès de celui-ci à Stenay (dans le département actuel de la Meuse). Et voilà qu'il est rejoint par la soeur du Grand Condé, la duchesse de Longueville. Redoutable séductrice, celle-ci n'a pas de mal à lever les hésitations du naïf soldat. 

Du coup, Turenne met son talent au service des Habsbourg, Espagnols et Impériaux, et retourne ses armes contre le roi de France. Les armées du roi de France lui infligent toutefois une sévère défaite à Rethel, dans les Ardennes, le 15 décembre 1650.

Au service du Roi-Soleil

Turenne goûte modérément de devoir céder le pas au jeune prince de Condé, l'autre grand militaire de l'époque. Pour cette raison et peut-être aussi par lassitude pour les charmes de Mme de Longueville, il sollicite et obtient en mai 1651 le pardon du roi Louis XIV

Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne (portrait par l'atelier de Philippe de Champaigne, vers 1650, collection privée)Dès lors, il combat avec la dernière énergie les frondeurs et Condé lui-même. En juin 1658, par la bataille des Dunes, il contraint Dunkerque à la reddition et ouvre la voie à la conquête d'une partie de la Flandre espagnole. Ayant ainsi pris le dessus sur son cousin d'Espagne, Louis XIV conclut avec celui-ci la paix des Pyrénées.

Pour Turenne viennent la gloire et les honneurs. En 1668, deux ans après son veuvage d'avec Charlotte de Caumont, il se convertit au catholicisme sur les instances de Bossuet. Dans le même temps, il entreprend pour le compte de Louis XIV la guerre de Dévolution.

En 1674, pendant la guerre de Hollande (1672-1678), il occupe l'Alsace ainsi que le Palatinat, n'hésitant pas à dévaster ce pays allemand, en vue d'affamer l'armée des Impériaux et de la couper de ses bases de ravitaillement. Cette « pacification » est un avant-goût  du sac du Palatinat que mènera quinze ans plus tard le maréchal de Duras, sur ordre du ministre de la guerre Louvois. La réputation de Turenne ne va toutefois pas en souffrir.

Pris à revers par les Impériaux de l'archiduc d'Autriche, le maréchal général évacue l'Alsace puis, en plein hiver, repart à l'offensive. Les Impériaux sont écrasés à Turckheim le 5 janvier 1675. L'Alsace est désormais et pour toujours (ou presque) aux mains des Français. À Paris, Turenne reçoit un accueil triomphal. Mais il n'aura pas le loisir de savourer son triomphe.

Mort en héros

Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne (1611-1675), portrait par Philippe de ChampaigneTurenne n'a pas pour habitude de se défiler devant le danger. Il n'est pas pour autant un surhomme. On lui prête cette injonction adressée à lui-même (ou à sa jument Carcasse), à l'instant de monter au combat : « Tu trembles, carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener ».

Lors d'un nouvel engagement à Sasbach (ou Salzbach) le 27 juillet 1675, il n'a pas le temps de trembler. À près de 64 ans, il est tué par un boulet de canon. Le comte Montecuccoli, qui commande les troupes autrichiennes, se serait alors écrié : « Il est mort aujourd'hui un homme qui faisait honneur à l'homme ! ».

Ses hommes du régiment «Turenne-Infanterie» auraient tout autant manifesté leur deuil. Madame de Sévigné s’en est fait notamment l’écho : « On dit que les soldats faisaient des cris qui s’entendaient de deux lieues, nulle considération ne les pouvait retenir ; ils criaient qu’on les menât au combat ; qu’ils voulaient venger la mort de leur père, de leur général, de leur protecteur, et de leur défenseur ; qu’avec lui, ils ne craignaient rien ».

L'émotion est grande aussi dans le pays et Louis XIV accorde à la dépouille du maréchal l'honneur d'être ensevelie à Saint-Denis, avec les rois de France. Elle sera épargnée par les déprédations de la Révolution et Napoléon Ier la transfèrera à l'église Saint-Louis des Invalides, nécropole des gloires militaires de la France.

 

 

 

Publié ou mis à jour le : 2024-03-06 17:08:38

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net