1er août 1936

Hitler ouvre les Jeux de Berlin

Le 1er août 1936, à 16 heures, devant 120 000 spectateurs rassemblés dans le nouveau stade de Berlin, Adolf Hitler ouvre les XIe Jeux Olympiques modernes. Ils vont mettre en scène pendant quinze jours plus de quatre mille sportifs de 49 nations (notons que l'URSS de Staline reste absente, refusant de s'afficher dans une manifestation « bourgeoise »).

Cette spectaculaire démonstration de prestige du régime nazi, né seulement 3 ans plus tôt, sera immortalisée par la cinéaste Leni Riefenstahl, amie du dictateur, dans un film de propagande, Olympia (titre français : Les dieux du stade).

André Larané
Les dieux du stade

La vidéo ci-après présente une version tronquée du film de Leni Riefentahl, soit 115 minutes sur un total de 220.
On peut toutefois apprécier la séquence d'ouverture, spectaculaire, assister à l'exploit de Jesse Owens sur le 100 mètres (41e minute de l'extrait), la victoire de deux autres noirs, Woodcruf (USA) et Edwards (Canada) sur le 800 mètres (51e minute), enfin le duel palpitant entre Owens et Long dans le saut en longueur sous le regard passionné de Hitler (58e minute).

Une propagande rondement menée

Le Comité International Olympique a décidé d'ouvrir les Jeux Olympiques à Berlin en 1931 soit bien avant l'accession de Hitler au pouvoir. Pour celui-ci et pour son ministre de la Propagande Josef Goebbels, ils ne peuvent mieux tomber.

À travers ces Jeux, le régime nazi veut offrir au monde entier l'image d'un pays prospère et d'un peuple heureux, pacifique et uni autour de ses dirigeants, histoire de faire oublier le rétablissement du service militaire, les premières lois antisémites promulguées le 15 septembre 1935, la réoccupation de la Rhénanie et l'offre de service aux putschistes espagnols. Autant de signes prémonitoires du cataclysme à venir mais que l'opinion publique occidentale persiste à minorer.

Annonce de l'Olympiade populaire de Barcelone (1936), doc : Mémorial de la Shoah, ParisC'est la première fois que les Jeux sont ouvertement instrumentalisés par un régime politique, en l'occurence le pire qui soit comme on le constatera quelques années plus tard.

Toutefois, des mouvements de protestation se font jour, essentiellement de la part des organisations juives américaines et plus marginalement des mouvements et syndicats ouvriers européens.

Ces derniers tentent d'organiser des Jeux populaires alternatifs à Barcelone mais le déclenchement de la guerre civile espagnole va les en empêcher.

Aux États-Unis, le mouvement en faveur du boycott prend de l'ampleur après la réactivation de l'antisémitisme nazi par les lois de Nuremberg.

Il est porté par d'influentes personnalités catholiques comme le juge Jeremiah Mahoney, président de l'Union des athlètes amateurs, Fiorello La Guardia, maire de New York, Al Smith, gouverneur de New York, et James Curley, gouverneur du Massachusetts.

Henry Ford, antisémite avoué, et l'aviateur Charles Lindbergh, sympathisant nazi, n'interviennent pas dans le débat, pas plus que le président Franklin D. Roosevelt, qui considère que les Jeux Olympiques doivent rester à l'écart de la politique.

L'avis du président est aussi celui de l'une des figures les plus influentes du monde sportif, Avery Brundage. Il déclare : « Les Jeux olympiques appartiennent aux athlètes et non aux politiciens » et il écrit dans la brochure du Comité international olympique (CIO) que les athlètes de son pays ne doivent pas s'impliquer dans l'« altercation entre les juifs et les nazis ».

Fils d'ouvrier devenu champion olympique puis entrepreneur du bâtiment, Avery Brundage obtient à Berlin, à l'automne 1935, l'assurance du gouvernement allemand qu'il ne discriminerait pas les sportifs juifs.

De retour chez lui, il emporte l'adhésion de la majorité du Comité olympique des États-Unis malgré un baroud d'honneur du président Ernst Lee Jahncke qui, du coup, est exclu du CIO cependant qu'Avery Brundage y fait son entrée. Le vote du comité américain en décembre 1935 clôt la discussion aux États-Unis et ailleurs.

Élu à la présidence du Comité Olympique International (CIO) en 1952, Avery Brundage y restera jusqu'aux Jeux de Munich de 1972.

Hitler dans la tribune du stade olympique (1936)Les films de l'époque montrent en définitive des Jeux parfaitement organisés, avec plus de nations participantes que jamais auparavant.

On compte trois millions de billets vendus, 75 000 visiteurs étrangers dont 15 000 Américains, 2800 journalistes... Les compétitions sont retransmises en direct par radio à trois cent millions de personnes dans le monde et, pour la première fois, on inaugure les Jeux avec l'embrasement d'une vasque par une flamme portée depuis Olympie.  

Le jour de l'ouverture des Jeux, le dirigeable (zeppelin) Hindenburg, qui fait la fierté de l'Allemagne, survole le stade... Dix mois plus tard, il brûlera avec ses passagers dans un épouvantable accident !

Hitler et Goebbels se présentent en maîtres de cérémonie affables au milieu d'un public enthousiaste et insouciant. Afin de faire bonne figure aux yeux des nations civilisées, les nazis se sont engagés dès juin 1933 à respecter la charte olympique et permettre à tous les athlètes de concourir, quelle que soit leur couleur de peau.

La légende Owens

Jesse Owens à Berlin en 1936 (12 septembre 1913, Oakville, Alabama ; 31 mars 1980, Tucson, Arizona)Précisément, c'est à un jeune athlète noir américain de 23 ans, le très souriant et charismatique James Cleveland « Jesse » Owens que va revenir la place d'honneur aux Jeux avec quatre médailles d'or, dont le 200 mètres, le 100 mètres, le saut en longueur, remporté sur son rival blond et néanmoins ami l'Allemand Luz Long avec un saut exceptionnel de 8,06 mètres, enfin le relais 4x100 mètres...

Cette dernière médaille, imprévue, vient de ce que les Américains ont demandé au dernier moment à deux coureurs de l'équipe de se retirer et de se faire remplacer par Owens et un autre noir, bien que ceux-ci n'aient jamais pratiqué le relais. On a des raisons de penser qu'ils ont agi sous la pression des Allemands parce que les deux coureurs en question étaient les deux seuls Juifs des Jeux.

Une rumeur postérieure prétendra que Hitler a préféré quitter la tribune plutôt que serrer la main au quadruple vainqueur.

Luz Long et Jesse Owens (l'un et l'autre ont 23 ans en 1936)Il semble en fait que Hitler ait dès la première journée des Jeux renoncé à serrer la main des médaillés, sur une demande du président du CIO, le comte Henri de Baillet-Latour, pour éviter des situations embarrassantes comme de serrer la main à un noir, un Juif ou un ennemi potentiel. 

Jesse Owens écrit dans ses mémoires : « When I passed the Chancellor he arose, waved his hand at me, and I waved back at him. » (« Quand je suis passé devant le chancelier, il s’est levé, a agité la main vers moi, et je lui ai fait un signe en retour »).

Il précise avoir moins souffert du racisme de la part des Allemands que de ses compatriotes, à une époque où les lois ségrégationnistes à l'égard des noirs, surnommées « lois Jim Crow » d'après un personnage imaginaire, se font plus dures que jamais.

Le champion écrit : « Hitler didn’t snub me — it was FDR who snubbed me. The president didn’t even send me a telegram. » (« Hitler ne m’a pas snobé. C’est Roosevelt qui m’a snobé. Le président ne m’a même pas envoyé un télégramme. »).

Il se trouve des commentateurs pour assurer que Roosevelt a seulement craint de se mettre à dos l'électorat sudiste à la veille de sa réélection, le 3 novembre 1936. C'est une plaisanterie. FDR a été réélu avec 61% des voix contre un inconnu. Il n'avait rien à craindre électoralement d'un geste de sympathie. Simplement, il était pénétré des mêmes préjugés raciaux que tous les gens de sa génération.

Owens attendra plusieurs décennies avant que ses qualités sportives soient reconnues aux États-Unis (note).

Le deuxième héros des Jeux est le Coréen Son Ki-chong qui remporte le marathon. Officiellement enregistré dans la délégation du Japon, qui occupe la Corée, il dédie néanmoins sa victoire à son pays.

En définitive, l'Allemagne sortira triomphale des Jeux de Berlin avec 37 médailles d'or, devant les États-Unis et la Hongrie.

Publié ou mis à jour le : 2023-07-31 21:57:57
jeanne darblay (01-08-2016 00:37:24)

oups... je me réjouissais de voir l'extrait du film de Leni Riefenstahl mais malgré moult tentatives je n'obtiens qu'un écran noir. Une fois j'ai eu le son.. mais c'est frustrant ! Peut-être le pb... Lire la suite

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