14 mai 1610

Ravaillac assassine Henri IV

Le 14 mai 1610, le roi de France Henri IV (56 ans) se rend auprès de son ami Sully, malade. Il n'arrivera pas à destination mais sera assassiné à la faveur d'un embarras de la circulation.

En cette époque troublée où des théologiens protestants et des Jésuites légitiment le meurtre des « tyrans », il est leur dernière victime, après Guillaume le Taciturne, stathouder des Provinces-Unies, et son prédécesseur immédiat Henri III.

Deuxième et dernier roi de France à périr sous le couteau de son assassin, Henri IV meurt assez tôt pour échapper à une impopularité croissante. Sa mort marque le début d'un mythe national, celui du « bon roi Henri » qui a mis fin aux guerres de religion et restauré la paix civile et la prospérité...

André Larané

Un roi mal à l'aise

Usé par une vie pleine de rebondissements extraordinaires, le roi peut en ce début d'année 1610 regarder avec quelque satisfaction l'oeuvre accomplie. Mais lui-même souffre de ses fréquentes disputes avec la reine Marie de Médicis, qui lui a néanmoins donné six enfants et a conservé à 35 ans une beauté pulpeuse.

Il éprouve par ailleurs la fragilité de son trône, entouré qu'il est de grands seigneurs qui rêvent d'en découdre et lui tiennent rigueur de la paix conclue entre protestants et catholiques. Parmi les plus aigris figure le duc d'Épernon, ancien « mignon » (favori) d'Henri III, couvert d'honneurs et de titres par ce dernier : il s'est rallié sur le tard, en 1596, à Henri IV, lequel lui a accordé une généreuse absolution.

Le roi se sait aussi entouré d'assassins potentiels. Déjà, le 27 décembre 1594, un catholique à l'esprit dérangé, un certain Jean Chastel, avait tenté de le poignarder. Une enquête ayant montré qu'il avait étudié chez les jésuites, le Parlement de Paris en avait pris prétexte pour expulser du royaume ces prêtres plus fidèles au pape qu'au roi. Au fil des ans, l'entourage du roi avait déjoué plusieurs autres tentatives d'assassinat.

Un amoureux éperdu

Fin politique, chef de guerre charismatique, Henri IV, cependant, perd ses moyens lorsque ses désirs de vieux barbon à la sensualité chancelante l'attirent vers quelque jeune beauté.

La dernière de ses chimères amoureuses est la petite Charlotte de Montmorency, à peine âgée de 15 ans.

Pour la séduire plus à son aise, le roi l'a mariée à son cousin, le jeune prince de Condé, plus porté sur la chasse que sur les femmes. Mais une fois le mariage célébré, le prince, ne voulant pas du rôle de cocu, entraîne sa femme à Bruxelles et la place sous la protection du gouverneur des Pays-Bas espagnols.

Henri IV tempête. Il se montre prêt à la guerre pour reprendre sa Dulcinée. Justement, un prétexte s'offre avec la vacance des villes impériales de Clèves et Juliers. Les troupes de l'empereur occupent ces villes en attendant que soit réglée la succession de leur défunt seigneur.

Le roi de France y voit les prémices d'une annexion par les Habsbourg de ces deux villes proches de la frontière française. Il ne peut le tolérer et se dispose donc à prendre les armes contre les Habsbourg... en particulier ceux de Bruxelles !

Bruits de botte

Le projet de guerre, après douze ans de paix relative, ravive les dissensions à la Cour où le duc d'Épernon et la reine cachent mal leur opposition.

La reine, supersititieuse, est mue par deux craintes : celle d'être répudiée ; celle de la mort prématurée du roi. Dans cette double éventualité, elle réclame à cor et à cris d'être couronnée reine et de faire une entrée solennelle dans la capitale. Ces rites symboliques la mettent à l'abri de la répudiation et lui assurent la régence en cas de vacance du trône, pendant la minorité de l'héritier (le futur Louis XIII n'a encore que 8 ans). Henri IV finit par accepter : le couronnement est programmé le 13 mai et l'entrée solennelle à Paris le 16 mai ; ensuite seulement, le roi et son armée iront à la guerre.

Dans le royaume, des prêtres, notamment jésuites, manifestent bruyamment leur opposition à cette guerre contre les Habsbourg, champions de la Contre-Réforme catholique. Il y voient une nouvelle trahison du roi.

Parmi leurs auditeurs, un jeune homme de 32 ans, né à Angoulême dans une famille pauvre, sous la tutelle d'une mère très pieuse. C'est un colosse à la barbe rousse, aux yeux clairs et profonds. Il a nom François Ravaillac. Il a effectué différents métiers : valet de chambre, clerc de procureur... et même est entré comme frère convers dans une congrégation de feuillants. Mais il en a été chassé au bout d'un mois par les moines qui lui reprochaient son tempérament exalté, à la limite de la folie.

Complot ou acte isolé ?

Depuis longtemps déjà, Ravaillac rumine l'élimination de celui qu'il considère comme un « tyran ». En ce début d'année 1610, déterminé à agir, il fait à pied le chemin d'Angoulême à Paris. De passage dans une auberge, il vole le couteau dont il se servira pour tuer le roi. Les prêtres et jésuites auxquels il confesse ses intentions ne font rien pour le dissuader, encore moins pour le dénoncer. Par deux fois, il tente mais en vain d'approcher le roi. « Au nom de Jésus-Christ et de la sacrée Vierge Marie, que je parle à vous », lui crie-t-il.

Nous voilà le 13 mai 1610. Ce jour-là, la Cour assiste dans l'abbatiale de Saint-Denis au couronnement de Marie de Médicis, dans une ambiance festive et joyeuse. Notons qu'aucune autre reine de France ne sera plus jamais couronnée...

Le lendemain matin, le roi manifeste une agitation inhabituelle. Complots, prédictions de voyantes, tourments amoureux... « Mon Dieu, j'ai quelque chose là-dedans qui me trouble fort », murmure-t-il. Pour se changer les idées, il décide de quitter le Louvre et de rendre visite à son ami, Sully, dont il a appris qu'il était malade, dans sa résidence de l'Arsenal, à l'est de Paris. Il se propose de vérifier en passant les préparatifs de l'entrée solennelle de la reine...

En début d'après-midi, il part enfin en carrosse, avec à ses côtés quelques compagnons dont le duc d'Épernon. Il n'a pas jugé nécessaire que la garde à cheval l'escorte. Dans le même temps, le dénommé Ravaillac quitte l'auberge des Trois-Pigeons, près de l'église Saint-Roch, avec, sous le pourpoint, le couteau qu'il a dérobé sur une table d'auberge. Il prend le chemin du palais...

Voilà le carrosse bloqué, rue de la Ferronnerie, près des Halles et du cimetière des Saints-Innocents, par une charrette de foin qui barre la rue. Les valets qui se tiennent sur le marchepied du carrosse quittent celui-ci pour faire écarter la charrette.

Ravaillac, qui n'attendait que cela, se hisse sur un rayon de la roue. Passant le bras par-dessus le duc d'Épernon, il frappe le roi à la poitrine et à la gorge de deux coups de couteau. Il est aussitôt maîtrisé et traîné dans un hôtel voisin puis à la prison de la Conciergerie. Trop tard. Henri IV perd son sang tandis que le carrosse rebrousse chemin jusqu'au Louvre. Il rend l'âme au Louvre. C'est le seul souverain qui soit mort dans l'illustre palais.

Ravaillac est prestement jugé et, en tant que régicide, écartelé en place de Grève (l'actuelle place de l'Hôtel de ville), à Paris. Jusqu'au terme de son supplice, qui dure plusieurs heures, il maintient avoir agi seul. Mais, très vite, la rumeur va soupçonner, qui le duc d'Épernon, qui la reine elle-même ou encore Henriette d'Entragues d'avoir trempé dans le crime.

Extrait de l'ordonnance d'exécution de Ravaillac

« Condamné à faire amende honorable devant la principale porte de l'église de Paris où il sera mené et conduit dans un tombereau ; là, nu, en chemise, tenant une torche ardente du poids de deux livres, il dira et déclarera que malheureusement et prémonitoirement il a commis ledit très méchant, très abominable et très détestable parricide et tué le dit seigneur Roi de deux coups de couteau dans le corps, dont il se repent, demande pardon à Dieu, au Roi et à Justice ; de là conduit en place de Grève et sur un échafaud qui y sera dressé, il sera tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite, qui tenait le couteau avec lequel il a commis ledit parricide, sera brûlée de feu de soufre, et sur les endroits tenaillés, il sera jeté du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la poix, de la résine brûlante, de la cire et soufre fondus ensemble... » (27 mai 1610).

Source : Dans les secrets de la police (2008, L'Iconoclaste).

Vers une régence calamiteuse

Les funérailles du roi Henri IV sont célébrées à Notre-Dame de Paris dans une grande ferveur populaire. Selon la volonté du défunt, son coeur est remis au collège jésuite de La Flèche. L'inhumation a lieu à l'abbaye de Saint-Denis, nécropole traditionnelle des rois de France, le 1er juillet.

Quelques heures plus tôt, la nécropole a aussi accueilli la dépouille du précédent roi Henri III, également assassiné. Henri IV n'avait pas voulu que cela advint avant sa propre mort en vertu d'une prophétie qui voulait qu'il mourût sitôt que la dépouille de son prédécesseur aurait rejoint Saint-Denis !

Le nouveau roi Louis XIII n'ayant que 8 ans, il octroie officiellement à sa mère le titre de régente du royaume. Il n'est plus question de partir en guerre contre les Habsbourg mais Marie de Médicis et ses favoris, par leur impéritie, vont conduire le royaume au bord d'une nouvelle guerre civile.

Publié ou mis à jour le : 2023-05-10 15:02:47
Percy (18-12-2017 10:16:43)

D'accord avec jarrige... Un roi victime à une voix près , notamment celle de Philippe d'Orléans dit "Egalité" ou de Le Pelletier de Saint-Fargeau (dont on vient de reparler récemment).

jarrige (12-10-2015 19:39:13)


Ne pourrait-on pas dire que Louis XVI a été également assassiné ?...

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