18 décembre 1783

Pitt le Jeune devient Premier ministre

Le 18 décembre 1783, à Londres, le roi George III appelle à la tête du gouvernement un jeune homme de 24 ans, William Pitt the Younger (le Jeune), ou le Second Pitt.

Camille Vignolle

Tel père, tel fils

Le père du nouvel homme fort de Grande-Bretagne, William Pitt the Elder (l'Ancien), comte de Chatham, s'était illustré dans la conduite de la guerre de Sept Ans, en s'emparant de la Nouvelle-France et de Québec, l'année même où naquit son fils. La ville de Pittsburgh, en Pennsylvanie, précédemment française sous le nom de Fort-Duquesne, conserve son souvenir.

Élu très tôt aux Communes comme député libéral (whig indépendant), le jeune Pitt témoigna d'une force de caractère comparable à celle de son père.

C'est ainsi qu'en février 1781, quelques semaines après son entrée aux Communes, un observateur, Samuel Goodenough, put dire de lui qu'il était « not a chip off the old block ; it ís the old block itself » (« non seulement un copeau du vieux bloc mais le vieux bloc lui-même »).

Pitt entre comme chancelier de l'Échiquier (Chancellor of Exchequer) dans le gouvernement Shelburne. L'expérience ne dure pas. Profitant de sa mise à l'écart, Pitt en profite pour faire un bref voyage en France (le seul de son existence) avant de plus hautes destinées.

De la paix...

Le roi appelle le Second Pitt à la tête du gouvernement anglais quatre mois après le traité de Versailles qui consacre l'indépendance des Treize Colonies américaines, les nouveaux États-Unis, et le triomphe diplomatique de la France sur sa rivale de toujours.

William Pitt prend la succession du très libéral Charles James Fox (34 ans), orateur brillant et politicien également très précoce. Admirateur de la Révolution française, Fox n'aura de cesse de s'opposer à son tombeur.

Le Second Pitt se voue dans un premier temps au redressement de la situation financière et économique du pays en appliquant la doctrine libérale du penseur Adam Smith, auteur en 1776 du célèbre ouvrage : Recherches sur la nature et les causes de la Richesse des Nations.

Il encourage aussi le mouvement philanthropique de son ami William Wilberforce contre la traite et l'esclavage et tente d'émanciper les catholiques irlandais, soumis à un régime d'exception depuis l'ère républicaine de Cromwell.

Il s'attire enfin un succès majeur avec le traité de libre-échange signé en 1786 avec... la France. À ce moment privilégié de leur Histoire, les deux pays ennemis passent l'éponge sur leurs vieux différends. Ils font confiance aux échanges commerciaux et au rapprochement économique pour instaurer une paix durable. Fatale illusion...

... À la guerre

Quand débute la Révolution française, William Pitt n'y voit d'abord que des avantages pour son pays. L'extension outre-Manche de la monarchie constitutionnelle n'a rien qui lui déplaise, surtout si elle se conjugue avec un affaiblissement diplomatique de la France.

C'est seulement lorsque se lève une République conquérante qu'il commence à s'inquiéter. En février 1793, la Convention montagnarde déclare la guerre à l'Angleterre.

Pitt ne peut tolérer l'annexion par les Français du port d'Anvers et des bouches de l'Escaut, par où transite une grande partie des exportations britanniques. Sa détermination à briser la France révolutionnaire est dès lors totale.

À l'intérieur, suspension des droits individuels et même de l'Habeas corpus, renforcement de la censure, augmentation des impôts... Autant de mesures qui rendent le gouvernement fort impopulaire.

À l'extérieur, financement des puissances continentales coalisées contre la France (Prusse, Autriche...), au prix d'un très lourd endettement. « L'or de Pitt », aussi désigné par l'allégorie : « la cavalerie de Saint-Georges », va entretenir les coalitions antifrançaises jusqu'à la chute de Napoléon.

En 1800, Pitt a raison d'une nouvelle révolte des Irlandais et réussit à convaincre leur Parlement de voter sa dissolution et la réunion à la Grande-Bretagne. C'est ainsi que naît officiellement le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande. Mais l'union demeure inachevée car le roi Georges III refuse aux Irlandais catholiques les mêmes droits qu'aux Britanniques et aux colons protestants.

Jonh Hoppner, William Pitt the Younger, 1804.Pitt doit démissionner. Il est remplacé en 1801 par Henry Addington qui n'a rien de plus pressé que de signer la paix d'Amiens avec le Premier Consul français, Napoléon Bonaparte, le 25 mars 1802. Bancale, la paix ne dure pas et le retour de la guerre est aussi celui de Pitt au pouvoir.

L'irréductible Anglais trouve le moyen de monter une troisième coalition contre la France. Célibataire endurci, usé par le travail (et la consommation de porto), couvert de dettes pour n'avoir jamais voulu se laisser corrompre, il se console de ses peines avec la victoire de Trafalgar qui sauve le pays de l'invasion.

Le triomphe de Napoléon à Ulm puis Austerlitz ternit sa joie et quand il meurt, à 46 ans, le 23 janvier 1806, son pays est dans une situation apparemment désespérée. « Oh ma patrie, dans quel état vais-je te laisser », aurait-il murmuré sur son lit de mort... Après ses funérailles, à l'abbaye de Westminster, le Parlement leva 40 000 livres pour apurer ses dettes.

Dans les faits, grâce à la détermination du Second Pitt, la Grande-Bretagne va avoir raison de Napoléon et gagner un siècle de suprématie mondiale.

Le « ministère de tous les talents »

Difficile de succéder à un Pitt. William Grenville en fait l'expérience. Chargé de former le nouveau gouvernement, il présente le 11 février 1806 une équipe qui transcende les partis whig et tory. Pompeusement surnommé « ministère de tous les talents », il inclut aux Affaires étrangères le whig Charles Fox, leader de la Chambre des Communes et grand rival de Pitt.

A kick at the broad-bottoms (caricature de James Gillray, 1897)Les Anglais appellent ce type de gouvernement un « broad-bottom ministry », ce qu’on peut traduire par un ministère ayant une « large assise » puisqu’il fait appel à des personnalités de tous les partis.

Les caricaturistes jouent sur le fait qu’on peut aussi traduire vulgairement broad-bottoms par « gros culs », et ils représentent les ministres ayant effectivement une large assise personnelle. Les deux caricatures sont de James Gillray, et contemporaines du ministère et de sa chute dès le 31 mars 1807. Dans la première (« A kick at the broad-bottoms »), Georges III (caché derrière le pilier) limoge le ministère à cause du projet de bill sur l’émancipation des catholiques. Sur la deuxième (« Charon’s boat »), les fantômes des ministres renvoyés voguent vers les enfers sur la barque de Charon (broad-bottom packet).

Le ministère de Lord Grenville va échouer sur la paix avec la France et l'émancipation des catholiques anglais. On lui doit toutefois l'abolition de la traite.

« Charon’s boat » (caricature de James Gillray, 1807)

Publié ou mis à jour le : 2022-10-25 18:31:43
Antoine (26-10-2022 21:58:25)

Que c'est plaisant à lire ! Toutes mes félicitations.

Pierre (28-05-2012 16:23:24)

Peut-être incorruptible pour lui-même, Pitt le Jeune n'a pas attendu la déclaration de guerre de 1793 pour corrompre un nombre important de dirigeants révolutionnaires, à l'exception, semble-t-il... Lire la suite

BD. (28-05-2007 08:57:10)

Je crois reconnaître un cartoon de Thomas Rowlandson? Angoissante incertitude....
BD.

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