1099-1144

Les croisés consolident leur conquête

Avec la conquête de la Syrie, de la Palestine et surtout de Jérusalem, les croisés ont atteint en 1099 le but que leur avait fixé trois ans plus tôt le pape Urbain II.

Deux ans plus tard est annoncée l'arrivée d'un nouveau convoi de 150 000 pèlerins en armes. Raimon de Saint-Gilles va à leur rencontre à Constantinople pour les guider à travers l'Anatolie. Mais les pèlerins veulent avant tout délivrer Bohémond de Tarente, momentanément prisonnier des Turcs dans une forteresse du Taurus, à l'Est de l'Anatolie. Raimon tente de les dissuader de cette folie. En vain.

L'immense troupe s'enfonce dans des déserts inconnus et se fait massacrer par les Turcs. Avec ce désastre, les croisés perdent l'espoir de peupler de chrétiens d'Occident les terres qu'ils viennent de conquérir. Ils vont devoir survivre en petit nombre, en s'appuyant sur les chrétiens orientaux, Grecs, Arabes ou Arméniens, qu'ils encourageront à s'établir sur leurs terres.

Des croisés repartent chez eux, estimant leur mission accomplie, cependant qu'en Occident, d'autres chevaliers se croisent et vont par petits groupes prêter main-forte à ceux qui sont restés en Orient. Ces flux, par terre ou par mer, ne vont jamais cesser pendant un siècle.

Les États francs de Terre Sainte

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Forts du succès de leur première croisade, les barons francs reconstituent en Palestine le système féodal.

Ainsi naissent les États francs de Palestine et de Syrie : comté d'Édesse et principauté d'Antioche.

La Palestine à l'heure féodale

Les barons francs se partagent leurs conquêtes mais acceptent l'autorité d'un suzerain commun, l'« avoué du Saint-Sépulcre », Godefroi de Bouillon. À ce dernier, qui meurt en 1100, succède son frère Baudouin de Boulogne qui prend le titre de roi de Jérusalem sous le nom de Baudouin Ier.

Raimon de Saint-Gilles, déçu de n'avoir pas eu la couronne de Jérusalem, entame le siège de Tripoli, un port prospère situé au nord du Liban actuel.

La forteresse de Mont-Pèlerin, qu'il a érigée au-dessus de la ville, domine encore celle-ci. Mais c'est seulement à ses héritiers que reviendra l'honneur d'entrer enfin dans la ville le 12 juillet 1109 et de fonder ainsi un quatrième État franc, le comté de Tripoli.

Au contact des musulmans et des chrétiens orientaux, les croisés restés en Palestine et en Syrie créent une culture originale, mi-latine, mi-orientale.

Leurs descendants, souvent issus de mariages avec des femmes orientales (arméniennes, grecques ou syriaques, voire sarrasines), sont connus sous le surnom de « poulains » (l'équivalent du mot actuel « créoles »). Bons connaisseurs des réalités du pays, ils savent que leurs États, pris en tenaille entre l'Égypte fatimide et la Syrie turque, l'une et l'autre musulmane, ne pourront survivre qu'aussi longtemps que ces États resteront désunis.

Première contre-offensive turque

Dès 1110 prend forme la contre-offensive turque avec le siège d'Édesse par le seigneur turc (ou atâbeg) de la ville voisine de Mossoul. Les croisés, unissant leurs forces, sauvent Édesse mais doivent évacuer quelques postes avancés. La population arménienne de ces villes est massacrée par les musulmans.

En représailles, le chef normand Tancrède impose un tribut au roi turc d'Alep et fait ériger une croix au sommet du principal minaret de la ville.

À Bagdad, où siège le calife, la foule, conduite par des bourgeois d'Alep, manifeste violemment sa colère dans la grande mosquée, à l'heure de la prière. Elle exige du calife et du sultan une réplique immédiate. Mais Baudouin Ier, prodigieux guerrier et roi efficace, réunit tous ses vassaux et repousse avec succès une nouvelle offensive de l'atâbeg de Mossoul, Maudoud.

La chevalerie franque, disciplinée, ferme sur ses positions et protégée par ses armures de fer, a raison de la cavalerie légère des Turcs et des Arabes. Au terme de cette campagne, le royaume musulman d'Alep fait allégeance aux Francs. Le roi meurt le 2 avril 1118 alors qu'arrive à Jérusalem son cousin Baudouin du Bourg, comte d'Édesse. Les barons font aussitôt de ce dernier le roi Baudouin II.

Baudouin II, saint et malin

Pieux, intelligent et courageux, Baudouin II a aussi la réputation d'un homme habile. On raconte que lorsqu'il gouvernait Édesse, il s'était trouvé dans l'impossibilité de payer ses troupes.
Un jour qu'il conversait avec son beau-père Gabriel, un richissime Arménien, voilà qu'arrive le chef de ses gardes, qui exige du comte l'application de son serment (selon un plan concerté à l'avance).
Embarrassé, le seigneur lorrain se tourne vers son beau-père. Il lui explique qu'il a promis à ses hommes de couper sa barbe s'il ne pouvait régler leur solde. Or, la barbe est une tradition sacrée chez les Arméniens et ne saurait être coupée. Aussi Gabriel s'empresse-t-il de dépanner son gendre... contre la promesse de ne jamais plus engager son système pileux.

Moines et chevaliers

Le nouveau roi va consolider la conquête franque. On assiste sous son règne à la naissance d'ordres monastiques originaux qui rassemblent des chevaliers dévoués à la défense du Saint-Sépulcre et de la Terre sainte. Tout en conservant leur vocation militaire, ces chevaliers font, comme les moines ordinaires, voeu de chasteté et de pauvreté.

Les plus connus de ces ordres combattants sont les Templiers (Pauvres Chevaliers du Christ et du Temple de Salomon) et les Hospitaliers, futurs chevaliers de Rhodes puis de Malte.

L'ordre des Templiers est fondé de toutes pièces en 1118 par le Champenois Hugues de Payens et installé dans le « Temple de Salomon » (l'actuelle mosquée el-Aqsâ, sur l'esplanade du Temple).

Les Hospitaliers tirent leur nom d'un hôpital fondé à Jérusalem vers 1070 et développé par un mystique provençal, Gérard, mort en 1120. Il revient à son successeur, Raymond du Puy, de transformer cette communauté charitable en ordre monastique voué à la défense du Saint-Sépulcre.

Les uns et les autres construisent de puissantes forteresses en pierre qui condensent le savoir-faire militaire de l'Occident et de l'Orient. Appelées kraks, d'après un mot arabe qui signifie forteresse, elles ne seront jamais conquises par des armées ennemies.

Faisant preuve d'un remarquable esprit de discipline et d'une redoutable efficacité militaire, ces ordres monastiques vont se pervertir au bout de quelques décennies du fait de leur succès et de leur colossale richesse, jusqu'à trahir la cause franque comme on le verra lors de la bataille de Hattîn.

Précaire équilibre

Les Turcs mènent en ordre dispersé la guerre contre les principautés franques, elles-mêmes trop souvent divisées.

Le 28 juin 1119, le prince Roger d'Antioche assisté de 700 chevaliers attaque imprudemment quelques dizaines de milliers de Turcs. Le massacre est général et la ville d'Antioche manque d'être conquise par les Turcs, n'était la réaction immédiate du roi de Jérusalem.

Habile politique, Baudouin II veille à attiser les divisions dans le camp turc et n'hésite pas à s'allier avec tel chef musulman contre tel autre. Cette attitude suscite la désapprobation et le mépris des nouveaux arrivants. Ces guerriers fraîchement débarqués d'Europe se montrent avides d'en découdre avec les infidèles. Ils ne comprennent pas la prudence du roi et des poulains. D'où de très nombreuses erreurs stratégiques qui vont mener les États francs à leur perte en l'espace de deux générations.

André Larané

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La Reconquista
Publié ou mis à jour le : 2021-01-17 19:07:24

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