Le mariage dans tous ses états

L'essentiel

Le mariage est l'institution sociale la plus ancienne. Il n'a pas été établi pour consacrer l'amour de deux êtres, car on n'a pas besoin d'une reconnaissance sociale pour s'aimer et vivre ensemble, mais pour assurer une protection juridique aux enfants appelés à naître de cette union et garantir leur droit à hériter.

Le mariage dans tous ses états (éditions Herodote.net)Contrairement à une idée fréquemment entendue à l'occasion des débats sur le « mariage pour tous », le mariage n'est donc pas un « droit » qu'il s'agirait d'étendre à un maximum de personnes, mais un « contrat », autrement dit un ensemble d'obligations réciproques destinées à assurer une coexistence harmonieuse des personnes du foyer familial, vivantes ou à naître.

Il a connu depuis le commencement de l'Histoire des évolutions contrastées, en lien direct avec le statut social de la femme. En voici ci-après le récit détaillé en trois épisodes (nous nous sommes limités à l'Europe et au monde méditerranéen).

Vous pouvez retrouver l'ensemble de notre enquête dans un document numérique magnifiquement illustré (ebook au format pdf). Téléchargez-le (1,95 euros, gratuit pour les Amis d'Herodote.net). Ainsi pourrez-vous l'imprimer, le lire plus à votre aise et le faire circuler...

Pas si archaïque que ça !

Chapitre 1 : de Sumer aux Germains

Mariage patricien à Rome (confarreatio)

Les Égyptiens de l’époque pharaonique s’en sont tenus à une vision simple de l’humanité : des hommes et des femmes faits pour vivre ensemble sur un pied d’égalité.

Cette harmonie apparente disparaît au Moyen-Orient et aussi en Grèce, dans le millénaire qui précède notre ère. Là, on voit surgir une conception très inégalitaire des sexes et un mariage réduit à un contrat entre l'époux et le père de la mariée.

Il faut attendre l’Empire romain, au début de notre ère, pour assister au retour d'une relative égalité des sexes. Elle s'accompagne d'une conception très moderne du mariage, lequel ne requiert même pas l’accord parental.

Le terme romain employé à son propos est conjugium, dont nous avons fait conjoint et conjugal. Il signifie que les époux portent ensemble (cum) le même joug (jugium) et se traduit par une belle formule qu'échangent les époux au moment du mariage : « Ubi tu Gaius, ego Gaia » (Où tu es toi Gaius, je suis moi Gaia).

« Gai, gai, marions-nous »

Chapitre 2 : de Charlemagne au Siècle des Lumières

À la fin de l'Antiquité, l'Église médiévale demeure en Occident la seule institution stable et respectée. Concernant le mariage, elle s'inscrit dans la tradition romaine et promeut l'égalité de l'homme et de la femme dans le couple. Elle met en avant aussi le devoir de solidarité et d'affection.

Les clercs usent de leur autorité spirituelle pour imposer aux guerriers féodaux et aux souverains le respect de la monogamie, l'interdit de la répudiation et l'interdit de la consanguinité.

En 1215, le grand concile œcuménique de Latran IV hisse le mariage au rang de sacrement religieux. Il devient indissoluble.

L’adultère lui-même n’est pas un motif de dissolution et peut tout au plus justifier une séparation de corps car ce qui prime au regard de l'Église est l'intérêt des enfants et la cohésion familiale. Toutefois, dans les familles dirigeantes, le mariage peut être assez facilement annulé sous le prétexte de consanguinité.

Les époux se glissent dans le lit nuptial (miniature du XIIe siècle)

Plus important encore, l’Église médiévale impose le libre consentement des époux au mariage, devant un prêtre. Autrement dit, les parents n’ont pas leur mot à dire. Cette disposition favorise les mariages d’inclination et concourt à l’émancipation juridique des femmes. Mais elle ne fait pas l’affaire des grandes familles de la haute aristocratie et de la bourgeoisie... À la fin de la Renaissance, ces dernières ont raison du mariage chrétien.

En France comme dans la plupart des grands pays européens, les souverains réintroduisent l’obligation du consentement parental, au moins dans les grandes familles. Cette mesure entraîne la disparition des mariages d’amour dans les classes supérieures et va de pair avec une singulière régression du statut juridique de la femme, laquelle redevient comme dans l’Antiquité une mineure soumise d’abord à son père puis à son mari.

Par ailleurs, les protestants légalisent le divorce en avançant le fait qu'il existait déjà dans l'Ancien Testament. Cette ouverture a l’effet paradoxal de rendre les sociétés concernées beaucoup plus exigeantes à l’égard du mariage. Celui-ci se doit d’être sans tache et, pour échapper aux tentations coupables, les époux s’astreignent à l’austérité dans les vêtements et les mœurs, ainsi qu’à une extrême pudibonderie.

« Je t'aime, moi non plus »

Chapitre 3 : de la Révolution à nos jours

Le XVIIIe siècle ou Siècle des Lumières est aussi le siècle du clair-obscur, mêlant le pire et le meilleur, avec des comportements divergents face au mariage, selon que l'on appartient aux classes supérieures ou aux classes populaires.

Les premières réduisent le mariage à une alliance contractuelle entre familles, avec mise en commun de titres et de fortunes. Les secondes, moins sensibles à ces aspects, montrent davantage de liberté en matière de mœurs et restent attachées au mariage d’inclination. Ces divergences se retrouvent au siècle suivant avec la concurrence entre mariage arrangé et mariage d'amour, entre pudibonderie et liberté sexuelle, entre soumission de la femme et émancipation.

La fin de l'Ancien Régime et la Révolution voient les femmes s'émanciper, en France comme en Angleterre et dans le reste de l'Europe occidentale. Par ailleurs, les révolutionnaires ouvrent le droit au divorce... et il s'ensuit des excès, beaucoup de femmes se trouvant abandonnées sans ressources. 

Cette parenthèse révolutionnaire se referme bien vite avec l’accession de la bourgeoisie aux commandes au début du XIXe siècle. L’Église perd définitivement son monopole sur l’institution matrimoniale mais il faut attendre en France 1884 pour que le divorce soit à nouveau légalisé, avec cette fois un droit à pension pour les femmes.

Après la Seconde Guerre mondiale, les États occidentaux lèvent les contraintes qui pèsent sur le mariage, rendent sa dissolution plus aisée et assurent une parfaite égalité juridique des sexes. Mais ces acquis demeurent fragiles dans un monde où les démocraties demeurent très minoritaires ; leur préservation exige de chacun(e) de nous de ne jamais baisser la garde.

Bibliographie

Dans cette enquête sur le mariage, nous nous sommes très largement inspirés de l'Histoire du mariage en Occident, un ouvrage de Jean-Claude Bologne (Jean-Claude Lattès, 1995, épuisé) ainsi que d'un beau livre richement illustré de Sandrine Melchior-Bonnet et Catherine Salles : Histoire du mariage (Éditions de la Martinière, 2001). 

Nous avons aussi tiré parti du passionnant livre d'entretiens entre l'historien Michel Rouche et le journaliste Benoît de Sagazan : Petite histoire du couple et de la sexualité (CLD, 2008) ainsi que de la somme d'Emmanuel Todd : L'origine des systèmes familiaux (Gallimard, 2011).

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2022-08-24 12:23:15
Notwen (31-01-2013 23:26:37)

Cet article concerne, sauf erreur de ma part, l'Europe Occidentale. J'avoue ne pas saisir s'il en va de même pour, je cite "le retour en force des mariages arrangés, des mariages forcés d’ad... Lire la suite

ALAIN (24-08-2012 16:25:03)

J'ai bzeaucoup apprécié votre article. Concernant les mariages forcés et la polygamie, il est bon de rappeller que ces pratiques sont le fait de couches de personnes originaires d'Afrique. Cordi... Lire la suite

thiers jean marie (06-08-2012 19:16:02)

Une réserve sur le dernier paragraphe. La rédaction, lapidaire, place la polygynie (préférable à polygamie)dans une séquence historique simple alors qu'elle me paraît être le résultat d'une a... Lire la suite

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