Sexe et pouvoir

La sexualité s’affiche

Les mœurs s'adoucissent au tournant du XXe siècle. L'hypocrisie n'est plus de mise et les gouvernants gèrent assez naturellement leurs affaires de cœur selon leur tempérament ; certains avec modération, d’autres pas.

Les médias font preuve de retenue chaque fois que la situation l’exige. Quoi qu’il en soit, l’opinion publique est bonne fille et pardonne tout ce qui ne porte pas atteinte à la conduite des affaires publiques...

André Larané

Les femmes se rapprochent du pouvoir

Français et Anglais se régalent des frasques du Prince de Galles, fils indigne d'Albert, qui succède à Victoria en 1901 sous le nom d'Édouard VII. Ce bon vivant ne se cache pas d'aimer les plaisirs, tout comme d'ailleurs feu le président Félix Faure, mort d'avoir trop aimé une demi-mondaine.

Meg Steinheil, dernière maîtresse du président Félix FaurePlus sérieusement, les femmes supportent de moins en moins leur vocation de potiche et revendiquent même le droit de vote ! Quand survient la tragédie de la Grande Guerre, elles sont appelées à remplacer les défunts dans les usines, les bureaux et les champs. Il n'est plus permis de les mépriser. Le roman La Garçonne, de Victor Margueritte (1922), montre comment une jeune femme se venge d'avoir été trompée par son fiancé.

Parallèlement, la deuxième révolution industrielle (production à la chaîne et grande série) conduit à un resserrement des revenus, à l'émergence d'une classe moyenne majoritaire ainsi qu'au renforcement des institutions représentatives et à l'apparition d'une presse populaire à grand tirage.

Les hommes ne se refont pas

L'un des plus illustres séducteurs de l'époque est le général Philippe Pétain. Les femmes sont folles de lui et le poursuivent jusque sur le front, pendant la Grande Guerre. Jusqu'à un âge très avancé, il continuera de leur rendre hommage. Cela permet de mieux comprendre l'idolâtrie dont a bénéficié le Maréchal pendant le deuxième conflit mondial.

Autre grand séducteur, Benito Mussolini. De riches maîtresses se sont ruinées pour l'aider à accéder au pouvoir, sans qu'il leur en ai gardé beaucoup de reconnaissance (voir le film Vincere de Marco Bellocchio, 2009, sur le triste sort d'Ida Dalser). Le Duce sera exécuté et pendu à la fin de la partie avec l'une de ses dernières maîtresses, Clara Petacci.

Tout cela n'a rien à voir avec les autres « monstres » de l'époque : Hitler est populaire auprès des femmes mais a une relation pathologique avec le sexe. Sa nièce Geli se suicide dans des conditions mystérieuses dans leur appartement de Munich en 1931. Et on ne connaît au Führer aucune maîtresse certaine, hormis Eva Braun avec qui il cultive une relation tout sauf romantique jusqu'à leur suicide apocalyptique. Lénine, entre sa femme et sa maîtresse, fait figure de bourgeois rassis. Quant à Staline, homme à femmes, il conduit assez normalement celles-ci dans la folie ou la mort. Moins connu mais plus brutal encore est son successeur immédiat, Lavrenti Beria, précédemment chef du NKVD (la police politique). Malheur aux jolies femmes qu’il vient à croiser. Leur sort est scellé : se soumettre ou périr.

Plus rafraîchissant est le cas de Franklin Delano Roosevelt. Il a épousé une nièce de Théodore Roosevelt, un lointain cousin qui fut aussi président des États-Unis. Eleanor lui a donné cinq enfants et prend à cœur son rôle de « First Lady » en s'investissant dans des actions caritatives et des associations féminines.

Mais, révulsée par les infidélités de son mari, elle se console avec Lesbos. L'amitié et le soutien de la journaliste et romancière Lorena Hickok lui valent d'acquérir une grande popularité.

Les médias idéalisent le couple Roosevelt, occultant au passage la maladie du président qui l'empêche de marcher (films et photos le montrent toujours assis ou soutenu par deux colosses).

Les journalistes font mine de rien quand ils interviewent le président tandis que sa secrétaire « Missy » (Marguerite LeHand) se prélasse sur un sofa. Il ne s'agit pas de troubler l'image publique de l'homme qui a la charge écrasante de guider les Américains à travers la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale.

L'autre héros de l'heure, Winston Churchill, a eu une vie sentimentale des plus tranquilles. Son énergie phénoménale fut toute entière dissipée dans l'action, sur les champs de bataille, dans les salles de rédaction, sur les bancs des Communes et bien sûr à son bureau de Premier ministre. Son épouse Clementine lui a donné cinq enfants. On ne lui connaît aucune infidélité mais il a pardonné à sa femme une fugue avec un amant occasionnel.

Côté français, Charles de Gaulle a connu, avant la Grande Guerre, une vie de garnison « agitée ». Il était à bonne école sous les ordres du colonel Philippe Pétain ! Mais il s'est ensuite rangé en épousant la très sage Yvonne Vendroux et n'a jamais offert la moindre prise aux rumeurs, tout occupé qu'il était de la seule maîtresse qui lui importait, la France.

Il n'empêche que son retour au pouvoir, en 1958-1959, coïncide avec l'un des plus étonnants scandales sexuels qui soient.

Ce scandale des « ballets roses de la République » met en cause 23 notables parmi lesquels le président de la précédente Assemblée nationale, André Le Troquer, un ancien poilu de 76 ans. On leur reproche leur participation à des parties fines avec des mineurs des deux sexes. Ils s'en tirent avec des peines légères.

 « American lovers »

Le monde politique anglo-saxon connaît sa première grande affaire de mœurs en 1963 avec la mise hors course de John Profumo. Ce dirigeant anglais talentueux et honnête est contraint à la démission pour avoir noué une brève relation avec une prostituée de luxe, le problème étant qu’elle était liée aux services secrets soviétiques.

La même année, l'assassinat de John Kennedy libère la parole des journalistes. Ceux-ci révèlent par petites touches l'extraordinaire appétit sexuel du président américain et ses liens avec Marilyn Monroe.

Marilyn Monroe chante pour l'anniversaire du président John F. Kennedy (19 mai 1962)Eacute;lu d’extrême justesse grâce au soutien de son clan, le jeune président (43 ans) avait mis en avant sa jeune épouse (31 ans), enceinte d’un troisième enfant au moment de l’élection, en novembre 1960.

Dans la réalité, le couple allait on ne peut plus mal. John avait, comme son père Joe, une sexualité débridée et compulsive. Il enchaînait goulûment les aventures, aventures brèves et le plus souvent tarifées, avec des courtisanes de luxe. Celles-ci étaient parfois introduites à la Maison Blanche au mépris de toutes les règles de sécurité. Parmi les « conquêtes » présidentielles figurait l'actrice la plus troublante de l'heure, Marylin Monroe. On peut sans exagération rapprocher le comportement sexuel de John Kennedy de celui de Donald Trump, avec cette différence que le président a été maintenu à l'abri des indiscrétions par son entourage.

Son jeune frère, Robert Kennedy, au ministère de la Justice, fit de son mieux pour étouffer les rumeurs médisantes. En dépit d'une presse beaucoup plus pudique que de nos jours et de l'absence de la « Toile », on peut toutefois se demander si le secret aurait pu être plus longtemps conservé si l’assassinat de Dallas n’était venu offrir à John la palme du martyre.

Lyndon Baines Johnson, qui succède à Kennedy, s'irrite de la réputation de celui-ci. Plus âgé et moins photogénique, il n'en est pas moins un redoutable séducteur. « Kennedy courait après les femmes ; moi, je les tombe sans même m'en rendre compte », confiait-il à qui voulait l'entendre. Johnson va accélérer l'engagement américain au Vietnam mais il va aussi poursuivre et amplifier les grandes réformes sociales engagées par son prédécesseur.

L'élection en 1980 d'un ancien acteur d'Hollywood, Ronald Reagan, divorcé et remarié, atteste de l'ouverture d'esprit des Américains. Comme les Français, ils se montrent indifférents à la vie sentimentale de leur président pourvu que celui-ci fasse son « job » et ne transgresse pas la loi.

C’est de fait ce qu’ils reprocheront au président Bill Clinton. Celui-ci est mis sur la sellette et échappe de peu à la démission pour avoir menti sur sa relation avec une stagiaire à la Maison Blanche.

Sexe et réforme

Lesquels, des séducteurs ou des puritains, sont les plus qualifiés pour diriger un grand pays ? L'Histoire n'offre heureusement pas de réponse catégorique mais quelques précieuses indications.

Parmi les grands hommes du passé à la sexualité sage ou modeste, nous relevons : Robespierre, Lincoln, Thiers, Gladstone, Lénine, Hitler, Churchill, de Gaulle et, dans une certaine mesure, Napoléon Ier... À part Gladstone, tous ont attaché leur nom à une grande entreprise guerrière, voire criminelle (la Terreur avec Robespierre, la Commune avec Thiers...).

Rappelons maintenant quelques personnalités à la sexualité débordante : Napoléon III, Mussolini, Atatürk, Pétain, Roosevelt, Kennedy, Johnson... Plus près de nous, évoquons Giscard d'Estaing, Mitterrand, Clinton ou encore Chirac. Plusieurs ont laissé avant tout le souvenir de grandes réformes sociales, tout en attachant là aussi leur nom à une entreprise guerrière. N'en tirons aucune conclusion hâtive.

Publié ou mis à jour le : 2023-05-17 18:12:31
Pierre Nalin (21-05-2023 09:43:45)

Je ne suis pas persuadé que Thiers ait eu une sexualité des plus calmes. Les "trois moitiés de M. Thiers" (sa femme et ses deux filles) ne sont du reste pas les seules de ses conquêtes.

Jean Louis Taxil (13-01-2014 11:42:31)

Article intéressant,comme toujours. L'attitude américaine est plutôt saine et pertinemment décrite. Faut-il l'observer en France. Bien sûr. Notre président s'est toujours présenté comme "... Lire la suite

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