VIe siècle à 2008

Tumultueuse Serbie

L'actuelle Serbie est l'héritière d'un très ancien royaume médiéval qui eut à souffrir de la conquête ottomane.

Les Serbes retrouvent leur autonomie en 1830 après un demi-millénaire de tutelle turque. Cette autonomie se transforme en indépendance pleine et entière en 1878. La Serbie oeuvre dès lors à la réunion de tous les Slaves des Balkans autour d'elle, que ces Slaves appartiennent à la Turquie ou à l'Autriche. Cette revendication concourt au déclenchement de la Première Guerre mondiale et est couronnée de succès en 1918 par la création de la Yougoslavie.

Mais cet État multinational est en permanence menacé par l'hégémonisme serbe et les revendications nationales (Croates, Slovènes...). L'éclatement survient après la mort du dictateur Tito, dans les années 1980-1990, au terme de guerres brutales et meurtrières. La Serbie actuelle (2008), avec 7 millions d'habitants et 80 000 km2, soit environ un sixième de la France, est tout ce qui reste de l'ancienne Yougoslavie.

André Larané
La Serbie, des origines à la conquête ottomane

Le peuple serbe, de langue slave, s'établit au sud du Danube au VIIe siècle, au temps de l'empereur Héraclius. Il s'émancipe peu à peu de la tutelle byzantine.

La Serbie atteint son apogée sous le règne d'Étienne IX Douchan. En 1346 (l'année de la bataille de Crécy), celui-ci se fait couronner à Skoplje (capitale de la Macédoine actuelle) « empereur des Serbes et des Romains » (en fait de Romains, il s'agit des Byzantins).

Étienne Douchan tente de conquérir Byzance et n'hésite pas pour cela à envisager une alliance avec les Turcs et les Vénitiens. Mais il est pris de court par l'empereur byzantin qui appelle les Turcs ottomans à son secours. Ces troupes de cavaliers nomades originaires de l'Asie profonde se sont établies quelques décennies plus tôt en Anatolie. Elles débarquent en Europe, à Gallipoli, en 1354.

Après la mort d'Étienne Douchan en 1355, les Serbes font alliance avec les Bulgares pour contenir la poussée turque dans les Balkans. Mais les Turcs battent leur coalition en 1387. Dès lors, le sort de la Serbie est réglé. Conscients que leur indépendance est condamnée, les Serbes livrent à Kossovo Polié un combat qu'ils savent perdu d'avance.

Comme prévu, la Serbie tombe sous la tutelle ottomane, à l'exception de Belgrade qui se soumettra en 1529.

Sanglantes rivalités

Au XIXe siècle, devant la déliquescence du pouvoir ottoman, les habitants de Belgrade, capitale de la province, relèvent la tête. Ils se disposent à suivre l'exemple de leurs cousins du Monténégro qui ont depuis longtemps acquis une autonomie de fait.

Un ancien éleveur de porcs, surnommé Karadjordje (Georges le Noir) prend la tête de la révolte. Il entre triomphalement à Belgrade le 12 décembre 1806 et érige la Serbie en principauté autonome. Mais, finalement battu et chassé de sa capitale, il doit se réfugier en Autriche.

Le flambeau de la révolte est repris par un autre éleveur de porcs, Miloc Obrénovic. Il fait assassiner Karageorges le 25 juillet 1817 et se fait reconnaître à son tour prince héréditaire de Serbie par le sultan. Après la reconnaissance de l'autonomie du pays par le sultan en 1830, les propriétaires turcs quittent le pays mais quelques garnisons ottomanes restent sur place.

L'histoire de la Serbie va être dès lors entachée par la rivalité sanglante des deux familles régnantes, les Karageorgevitch et les Obrénovic.

En 1839, les Serbes, lassés par la brutalité de Miloc Obrénovic, l'obligent à abdiquer au profit de son fils. Deux ans plus tard, ils chassent celui-ci et appellent au pouvoir le fils de Karageorges, Alexandre Karageorgevitch. Celui-ci est à son tour chassé en 1858 pour cause d'excessive complaisance envers le sultan.

Les Serbes, par un singulier retour de balancier, rendent le pouvoir au vieux Miloc Obrénovic... qui en profite pour se venger de ses anciens ennemis. Son fils Michel lui succède en 1860. En 1867, il obtient le départ définitif des garnisons ottomanes. Mais il est assassiné le 10 juin 1868. Il laisse un héritier en bas âge, un cousin et fils adoptif du nom de Milan.

Sous son règne, l'empire ottoman octroie enfin une complète indépendance à la Serbie en 1878, sous la pression des grandes puissances occidentales réunies en congrès à Berlin. Cela permet à Milan de troquer son titre de prince contre un titre de roi en mars 1882. Mais la rivalité entre les deux familles serbes n'est pas close pour autant...

Le 6 mars 1889, le roi Milan Obrénovitch est contraint à l'abdication en raison de son autoritarisme... et du scandale causé par son divorce. Il est remplacé sur le trône serbe par son fils Alexandre (13 ans).

De caractère faible, le roi demeure sous l'influence de son père puis de son épouse, une intrigante du nom de Draga Machin (sic). Il est assassiné le 10 juin 1903, ainsi que son épouse, aux termes d'un complot organisé par Serge Dimitrievitch pour le compte de la famille rivale des Karageorgevitch. Leur corps sont défenestrés et hachés menu au sabre par les officiers insurgés. Pierre Karageorgevitch devient roi de Serbie sous le nom de Pierre 1er.

En 1918, au terme de la Première Guerre mondiale, la Serbie profite de la dislocation de l'Autriche-Hongrie, vaincue, pour réunir sous son égide les peuples qui l'environnent. C'est ainsi qu'est fondé le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes.

Précaire union

Les Serbes exercent d'emblée un leadership sur la nouvelle fédération.

Mais avec trois religions, deux alphabets, quatre langues et davantage encore de nationalités, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes paraît aussi fragile que les empires austro-hongrois et ottoman dont il est issu. Jamais ses peuples n'ont vécu ensemble auparavant. Qui plus est, la limite entre la Croatie et la Bosnie sépare l'Orient de l'Occident depuis... la mort de l'empereur romain Théodose en 395 ! Cette frontière a séparé plus tard le monde orthodoxe du monde catholique.

La fédération prend en 1929 le nom de Yougoslavie (ce qui signifie en serbo-croate « pays des Slaves du Sud ») pour souligner sa vocation à rassembler tous les Slaves de la région mais ce changement d'appellation ne supprime pas les clivages.

Les tensions entre Croates et Serbes sont révélées au grand jour par l'assassinat en 1934, à Marseille, du roi Alexandre 1er, fils de Pierre 1er. Elles redoubleront de violence pendant la Seconde Guerre mondiale...

De l'Occupation à la République fédérale

À la fin 1940, empêtré dans sa guerre contre la Grèce, Mussolini appelle son allié Hitler à l'aide. Le Führer allemand obtient le soutien de la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie, incluant le droit de passage de ses troupes.

Concernant la Yougoslavie, le régent Paul, qui gouverne au nom du roi Pierre II (17 ans), consent seulement le 25 mars 1941 à rallier l'Axe Rome-Berlin.

Mal lui en prend. Il est renversé deux jours plus tard. Pierre II, déclaré majeur, est aussitôt porté sur le trône par l'armée avec le soutien des services secrets britanniques.

Le 6 avril 1941, craignant que le nouveau gouvernement ne change de camp, Hitler déclenche avec son allié italien l’« Opération 25 » contre la Yougoslavie. Belgrade est occupée dès le 13 avril. Mais le pays n'est pas soumis pour autant.

Le général Draza Mihailovic a gagné les montagnes de Bosnie avec des partisans fidèles au roi Pierre II. On les appellera Tchetniks en référence aux Serbes qui ont résisté aux Ottomans... Ses troupes engagent une guérilla féroce qui va retarder de cinq semaines la progression de la Wehrmacht et son arrivée en Grèce.

Le comportement héroïque de Mihailovic et des Tchetniks est salué par Churchill et fait la une de Time.

Les Tchetniks vont poursuivre leur combat jusqu'à la victoire finale. Les partisans communistes, regroupés quant à eux autour de Josip Broz Tito, n’entreront en guerre à leurs côtés qu’après l'invasion de l'URSS par la Wehrmacht.

À la fin de la guerre, lâché par les Alliés et surclassé en nombre par les partisans communistes, le général Mihailovic doit entrer dans la clandestinité. Arrêté par son rival le 24 mars 1946, il est exécuté le 17 juillet 1946 après un procès à charge...

Il faut la poigne de Tito pour maintenir l'intégrité de la Yougoslavie après la guerre de 39-45, l'éviction du roi et la transformation du pays en une république fédérale, avec gouvernement majoritairement communiste.

Pour contenir les tensions nationalistes, Tito détache du sud de la Serbie la Macédoine, une ancienne province ottomane pauvre et à la population très hétérogène (Grecs, Albanais, Serbes, Macédoniens... Il en fait en 1946 une république fédérée à part entière, aux côtés de la Serbie, de la Croatie, de la Slovénie, de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro.

Dans les années 1970, il crée la nationalité des Musulmans (avec une majuscule), pour désigner les slaves de culture musulmane, majoritaires en république de Bosnie-Herzégovine. Malgré ces précautions, les ferments de dislocation vont reprendre le dessus après la mort de Tito le 4 mai 1980.

La dislocation

Le 28 juin 1989, à la faveur d'une solennelle commémoration du 600e anniversaire de la bataille de Kossovo Polié, le Serbe de Slobodan Milosevic tente de restaurer le leadership serbe sur la fédération.

Le 1er juillet 1991, le Croate Stipe Mesic est porté à la présidence de la Fédération yougoslave mais, en violation de la Constitution fédérale, la Serbie refuse de reconnaître son autorité. Mesic démissionne le 7 octobre. De ce jour, la Fédération a cessé de vivre.

Le 3 juillet 1991, les Slovènes chassent l'armée fédérale et deviennent de facto indépendants. Les Croates ont moins de chance. Ils doivent faire face à une invasion en règle de l'armée fédérale, soutenue par les miliciens originaires de Krajina, une région de Croatie à population majoritairement serbe.

Le 15 janvier 1992, la Communauté européenne se résout à reconnaître l'indépendance de la Croatie et de la Slovénie à défaut de pouvoir les défendre. La petite et misérable république de Macédoine, au sud de la Yougoslavie, devient entre-temps indépendante dans l'indifférence générale.

Le 6 avril 1992, tandis que la Communauté européenne reconnaît l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine, voilà que l'armée serbe attaque Sarajevo, capitale du nouvel État. C'est la guerre de Bosnie, qui se concluera par les accords de Dayton, sous l'égide du président américain, en 1995.

Le 10 juin 1999, contraints par les frappes aériennes de l'OTAN, les Serbes doivent retirer leurs troupes de la province du Kosovo, berceau historique de la Serbie et partie intégrante de la république serbe, devenue majoritairement albanophone et musulmane. Dès le lendemain, 200 000 Serbes fuient la province, qui demeure sous tutelle de l'ONU.

En janvier 2003, l'institution de l'Union de Serbie et du Monténégro consacre la fin du rêve d'une Grande Serbie étendue à tous les Slaves des Balkans. Mais le repli de la Serbie ne s'arrête pas là. Le 21 mai 2006, c'est au tour du petit Monténégro de s'émanciper pacifiquement. Le 17 février 2008, enfin, le Kosovo, berceau historique de la Serbie, proclame unilatéralement son indépendance.

Les Républiques ex-yougoslaves

Au terme de sa dislocation, en 2008, la République fédérale de Yougoslavie se présente comme suit :
- La Serbie (80 000 km2 et 7 millions d'habitants, à majorité orthodoxes),
- La Croatie (56 000 km2 et 4,5 millions d'habitants, à majorité catholiques),
- La Bosnie-Herzégovine (51 000 km2 et 4,6 millions d'habitants, à majorité musulmans ; ses habitants sont appelés Bosniens, l'épithète Bosniaque étant réservée aux citoyens de culture musulmane),
- La Slovénie (20 000 km2 et 2 millions d'habitants, à majorité catholiques),
- Le Monténégro (13 000 km2 et 600 000 habitants, à majorité orthodoxes),
- La Macédoine (25 000 km2 et 2 millions d'habitants, à majorité orthodoxes),
- Le Kosovo (10 000 km2, 2 millions d'habitants à 90% albanophones et musulmans), indépendant unilatéralement depuis le 17 février 2008.

Publié ou mis à jour le : 2019-12-08 18:21:33
peyo333 (09-08-2018 22:54:28)

Le 13 avril 1941 c'est Belgrade qui est occupée et non Budapest. La Hongrie est déjà aux côtés des Allemands. Un lapsus....

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