4 décembre 771

Le futur Charlemagne seul roi des Francs

Le 4 décembre 771 meurt Carloman (20 ans). C'est pour son frère aîné Charles (29 ans) le début d'une ascension irrésistible qui lui vaudra dans l'Histoire le surnom glorieux entre tous de Charlemagne. Les deux frères ont pour grand-père Charles Martel. Leurs parents sont le roi Pépin III le Bref et la reine Bertrade (surnommée Berthe au grand pied par nos écoliers).

Frères rivaux

Pépin III le Bref ne s'est pas contenté comme son père d'assumer les fonctions de maire du palais d'un roi fantoche, lointain descendant de Clovis. Il a été sacré lui-même roi des Francs à Saint-Denis par le pape en personne. À sa mort, à 53 ans, le 24 septembre 768, le royaume a été partagé entre Carloman et Charles selon la coutume germanique. Au premier l'Austrasie (la partie orientale du Regnum Francorum), au second la Neustrie - et l'Aquitaine insoumise -.

La capitale de Charles a été fixée à Noyon, celle de son cadet à Soissons, à quelques kilomètres de distance ! Malgré cette proximité, les relations entre les deux frères sont tendues.

Charles, plus actif que son frère, supporte mal de n'avoir reçu que la part la plus pauvre de ce royaume immense qui s'étend de part et d'autre du Rhin. De son côté, Carloman refuse à Charles son aide pour soumettre les Aquitains. Qu'à cela ne tienne, Charles (le futur Charlemagne) règle leur compte aux Aquitains et par la même occasion s'empare de la Gascogne, au sud de la Garonne.

La mort inopinée de Carloman lui permet de mettre la main sur l'ensemble des possessions paternelles. Après avoir déshérité les enfants de Carloman et sa femme Gerberge, fille du roi des Lombards Didier, il peut enfin régner sans partage sur le royaume.

Seul maître du royaume

Le jeune roi des Francs est un barbare quasi-illettré qui ne parle que le francique, la langue des Francs. Intelligent et énergique, il n'a de cesse de s'instruire. Il apprend le latin auprès des meilleurs clercs de son temps, dont le plus connu est le moine anglais Alcuin. Ce moine sera à l'origine de la « renaissance caroligienne » et du retour en force du latin dans la culture occidentale.

Comme il souffre de rhumatismes, Charles établit sa résidence principale près d'une source thérapeutique, en Rhénanie, au coeur de son royaume, en un lieu qui s'appellera Aix-la-Chapelle. Son palais s'inspire de celui des rois lombards, à Pavie, avec une chapelle palatine à une extrémité, une grande salle de réunion à l'autre et un tribunal royal au milieu. L'ensemble est proprement grandiose mais le roi n'en profite pas beaucoup. Il voyage sans arrêt pour inspecter ses représentants et combattre ses ennemis.

Charles restaure un semblant d'administration dans l'Occident européen ravagé par les guerres intestines. Il divise son royaume en comtés, sous l'autorité d'un compagnon du roi (du latin,comes, comitis, dont nous avons fait comte) et en 250 entités de base du nom de « pagi », d'après le mot latin pagus qui désigne une circonscription rurale (en France, beaucoup de ces pagi sont devenus à la Révolution des départements).

Les habitants des pagi, surtout des travailleurs de la terre, sont désignés sous le terme pagenses, dont nous viennent les mots paysan... et païen, car ces ruraux ont généralement tardé à adopter la foi chrétienne des citadins et des élites.

Pour éviter les abus de pouvoir des seigneurs locaux, Charles délègue fréquemment ses proches dans les pagi. Ces représentants, ou missi dominici (en latin, envoyés de la cour) vont deux par deux et se surveillent l'un l'autre ! L'un est un comte et l'autre un évêque.

Attentif aux affaires religieuses, Charles constitue aussi une quinzaine d'archevêchés pour favoriser l'évangélisation de l'Occident.

Il encourage le développement de la règle bénédictine dans les monastères. En 809, il réunit dans sa résidence d'Aix-la-Chapelle un concile qui introduit le « Filioque », une subtilité théologique qui participera au malentendu religieux entre Grecs et Latins.

Charles légifère beaucoup. Il fait mettre par écrit les lois pour mieux en assurer l'application. Il multiplie les ordonnances ou « capitulaires » en particulier pour imposer les réformes ecclésiastiques. Beaucoup de textes s'appliquent par exemple au mariage, l'objectif étant de le conformer aux canons chrétiens.

Des guerres sans fin

Le règne personnel de Charles Ier, très long (42 ans), est une suite incessante de guerres, en premier lieu contre les fils de Carloman et leurs partisans, en second lieu contre les Saxons païens de Germanie, les musulmans d'Espagne et les Lombards qui menacent le pape.

Le souverain ne passe pratiquement pas un été sans combattre et ce, dans toutes les directions. Il annexe au nord la Frise, région pauvre mais qui a l'avantage d'être en liaison étroite avec les îles britanniques.
&bull: À l'Est, il se jette sur la Saxe. La conquête en est difficile et ne s'achèvera qu'avec le baptême plus ou moins forcé de quelques milliers de guerriers. Les Francs n'hésitent pas à déporter ou massacrer les populations, détruire les idoles... Pour ne pas perdre leur avantage, ils restent sur place certains hivers au lieu de se démobiliser comme de coutume.
&bull: À l'Est encore, Charles fond sur le « Ring », ou camp royal des redoutables Avars, avec pas moins de 15.000 combattants à cheval, ce qui lui vaut de rentrer chez lui avec de fabuleux trésors.
&bull: Au sud des Pyrénées, Charlemagne intervient contre les chefs musulmans et inaugure la « Reconquista » espagnole.
&bull: Le 16 juin 774, après un très long siège, le roi des Francs entre dans Pavie, la capitale des rois lombards (près de Milan). Il dépose le roi Didier et ceint la couronne de fer des rois lombards, prenant dès lors le titre de « roi des Francs et des Lombards ». Il profite de l'occasion pour effectuer son premier pèlerinage à Rome, histoire d'entretenir les bonnes relations entre sa dynastie et le Saint-Siège (la résidence du pape).

Lors d'un autre voyage, un quart de siècle plus tard, à la Noël 800, le pape lui confère le titre inédit d'« Empereur des Romains ». L'année précédente, le vieux souverain s'est vu attribuer aussi le nom de « Carolus Magnus » qui deviendra Charlemagne. Il s'agit d'une abréviation de « Carolus, Magnus Rex » (« Charles, le grand roi »). Rien à voir avec Charles le Grand !

André Larané
L'empire carolingien après Charlemagne

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Cette carte montre l'empire carolingien à la mort de Charlemagne et les grands ensembles territoriaux qui vont naître de son partage entre les trois petits-fils du grand empereur : France, Allemagne...

Publié ou mis à jour le : 2022-05-03 17:45:21
christina (10-11-2006 20:29:56)

Cet article est le premier que j'ai trouvé à être aussi précis, sans être trop lourd. Les phrases sont bien construites, le vocabulaire approprié et la compréhension est facile (surtout pour un... Lire la suite

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