8 avril 1802

Concordat et paix religieuse en France

Le 18 germinal an X (8 avril 1802), le Corps législatif de la République française adopte et promulgue le Concordat. Le texte a été signé le 15 juillet de l'année précédente par Napoléon Bonaparte, Premier Consul, et le pape Pie VII.

Douze ans de conflits

Le Concordat suscite de violentes critiques chez les anciens révolutionnaires mais il est accueilli avec un immense soulagement dans les campagnes. Il met fin aux guerres civiles et religieuses qui avaient divisé les Français tout au long de la Révolution.

Ces guerres étaient nées du vote de la Constitution civile du Clergé par l'Assemblée constituante, le 12 juillet 1790, en remplacement du précédent Concordat, signé à Bologne en... 1516 par le roi François Ier et le pape Léon X.

La Constitution civile du Clergé avait institué une église nationale avec des évêques et des prêtres élus par les fidèles, rémunérés par l'État et tenus de prêter un serment de fidélité « à la nation, à la loi, au roi ». Ce régime avait été condamné par le Saint-Siège de sorte que s'opposaient depuis lors en France le clergé assermenté ou constitutionnel et le clergé insermenté ou réfractaire, fidèle à Rome.

Vers le retour à la paix religieuse

Dès l'élection du pape Pie VII, à Venise, en mars 1800, le Premier Consul manifeste le désir d'un rapprochement. Il en a besoin pour consolider son régime. A la différence des révolutionnaires qui avaient tenté d'exclure les religions de la sphère publique, il veut mettre l'Église catholique, encore très influente, à son service.

Les négociations sont conduites au nom du Premier Consul par le curé Étienne Bernier, curé de Saint-Laud, à Angers, qui a déjà négocié la paix civile dans l'ouest vendéen. Le pape délègue de son côté à Paris le cardinal Spina en novembre 1800.

Mais les négociations butent d'emblée sur la volonté de Bonaparte de confirmer des évêques constitutionnels dans leur charge. Le Premier Consul veut de cette façon rassurer les républicains.

Le 20 juin 1801, Consalvi, Secrétaire d'État du Saint-Siège, arrive à Paris pour relancer les négociations. La version définitive de l'accord est rédigée par Joseph Bonaparte, frère du Premier Consul.

Le contenu officiel du Concordat

En signant le nouveau Concordat, un mois plus tard, le pape reconnaît la République et renonce aux biens enlevés au clergé sous la Révolution. De son côté, « le Gouvernement de la République française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la plus grande majorité des Français ».

Le Premier Consul peut être satisfait car il conserve la mainmise sur l'organisation de l'Église catholique. Le clergé (24000 personnes) doit lui prêter serment de fidélité !

Le gouvernement s'engage à rémunérer les ministres du culte catholique ainsi que des autres confessions alors représentées en France : la confession d'Augsbourg - les protestants luthériens -, et les réformés - les protestants calvinistes -. Les juifs bénéficient des mêmes droits à partir de 1808. Il s'attribue qui plus est la nomination des évêques. Ces derniers sont ravalés au rang de fonctionnaires et peuvent être traduits devant le Conseil d'État en cas de désobéissance.

Le nombre de diocèses est réduit de moitié par rapport à l'Ancien Régime. Il n'y en a plus que 60 (dont dix confiés à des archevêques) en France et dans la Belgique annexée.

Pour la mise en oeuvre du Concordat, tous les évêques précédemment en poste sont invités à démissionner. Cependant, beaucoup d'évêques réfractaires, dépités d'avoir résisté pour rien à la Constitution civile du clergé, protestent et refusent de remettre leur démission au pape. Dans le camp opposé, des évêques et des prêtres constitutionnels refusent de remettre en cause publiquement leur serment antérieur.

Bonaparte ne s'en tient pas là. Habilement, il modifie au profit de son gouvernement les termes du Concordat.

L'ajout des Articles organiques

Sur une suggestion de son ministre des Affaires étrangères, Talleyrand, ancien évêque d'Autun, le Premier Consul commande au juriste Jean-Étienne Portalis, son nouveau ministre des Cultes, de rédiger des « Articles organiques ». Ces 77 articles, destinés à préciser les termes du Concordat débouchent sur une sévère limitation du pouvoir du Saint-Siège sur le clergé national.

Ils imposent l'enseignement dans les séminaires des « Quatre Articles » de la déclaration gallicane adoptée par le clergé français en 1682, sous le règne de Louis XIV :
1) les papes ne peuvent déposer les souverains ni délier leurs sujets de leur obligation de fidélité,
2) les décisions des conciles oecuméniques priment sur les décisions pontificales,
3) le pape doit respecter les pratiques des Églises nationales,
4) il ne dispose enfin d'aucune infaillibilité.

Les Articles organiques prévoient par ailleurs que toutes les décisions des synodes et des conciles devront être approuvées par le gouvernement pour être applicables en France. Ils limitent enfin la liberté de mouvement des évêques.

Malgré cette entourloupe contre laquelle proteste en vain le pape, le Concordat consacre le retour de la paix religieuse. Il est resté pour l'essentiel en application en France jusqu'à la séparation des Églises et de l'État, en 1905.

Notons qu'il est toujours en vigueur dans les trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle qui étaient sous domination allemande lorsqu'a été votée la loi de séparation de 1905. Ces trois départements ont obtenu, à titre exceptionnel, de conserver le régime Concordataire de 1801 lorsqu'ils sont rentrés dans le giron de la France après la Grande Guerre de 1914-1918.

Propagande

Bonaparte ne tarde pas à cueillir les bénéfices du Concordat. Le 14 avril 1802 sort en librairie Génie du christianisme ou beautés de la religion chrétienne. Son auteur est le vicomte François-René de Chateaubriand, un écrivain romantique de 34 ans rendu célèbre par ses oeuvres Atala et René. Le livre est une apologie de la religion. Il apporte au Premier Consul le soutien des catholiques et de certains monarchistes.

Le 18 avril 1802, jour de Pâques, une grande manifestation religieuse célèbre le retour à la « paix des consciences » dans la cathédrale Notre-Dame de Paris rendue au culte catholique. En sortant de l'office, le général Delmas aurait bougonné : « Belle capucinade ! Il n'y manque que les cent mille hommes qui se sont fait tuer pour supprimer tout cela » (citation). Reproche injuste, ainsi que le note l'historien Jean Tulard (Napoléon) car la Révolution, sauf au temps de la Terreur, n'a pas été hostile à l'Église.

NB : la France ne serait pas la France si le Concordat avait fait l'unanimité ! Dans le Poitou, quelques villageois catholiques des environs de Bressuire se sont insurgés contre le texte et il en est sorti un mini-schisme : la « Petite Église », qui compterait encore 3 000 fidèles.

Publié ou mis à jour le : 2023-04-06 10:08:50
Jean MUNIER (10-04-2022 21:22:59)

il y a aussi un cas à part : la Guyane où la religion catholique romaine est religion d' ETAT depuis Charles X.

Jean Loignon (10-04-2022 18:37:54)

Pour prolonger le propos de R.Castanet, j'ajouterai que Napoléon se confrontait avec le protestantisme à une forme d'organisation fondée sur l'autonomie des églises locales et un régime d'assembl... Lire la suite

Anonyme (30-08-2007 21:34:19)

Il serait intéressant de signaler que les Articles organiques ont aussi organisé les cultes protestants (calviniste et luthérien), reconnus ainsi (et salariés) par le gouvernement français. R. Ca... Lire la suite

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