Gladiator

Mad Max au Colisée

4 juin 2000 : Ridley Scott s'était diversement illustré au cinéma en réalisant Blade Runner, Alien et le très décevant 1492, avec Gérard Depardieu. Avec Gladiator, il nous propose non sans audace un peplum voué au succès. Mais attention, ô spectateur qui entrez dans la salle, déposez à l'entrée toutes vos références historiques. Le film trahit en effet allègrement l'Histoire, dans les faits comme dans les décors. C'est Mad Max dans un Colisée intemporel.

Le peplum nouveau est arrivé. Encensé par la critique, le dernier film de Ridley Scott renouvelle un genre cinématographique qui a eu son heure de gloire il y a 40 ans, avec des titres comme Ben-Hur ou Cléopâtre.

On a affaire, aujourd'hui comme autrefois, à du grand spectacle. Nul doute que le film plaira à un vaste public de jeunes et d'adultes pour ses combats de gladiateurs et la bataille initiale dans la forêt de Germanie, haletants et spectaculaires à souhait... D'ailleurs, le film ne perdrait guère de son intérêt cinématographique si on le réduisait à ces seules scènes (il s'étire sur 2 heures 30 avec quelques longueurs dans les dialogues philosophico-politiques).

Commode et Maximus Gladiator face à face dans l'arène Signalons la performance de l'acteur principal, Russell Crowe, qui emporte la conviction dans le personnage de Maximus, viril, laconique, charismatique, respecté de ses soldats comme de ses compagnons d'arène, aimant sa famille, pieux et loyal.

Ce héros imaginaire est un général romain qui aurait remporté une grande victoire sur les Germains en présence du vieil empereur Marc Aurèle, celui que la postérité a surnommé le « sage au bord du précipice ».

L'empereur se dispose à transmettre ses fonctions au général mais il est assassiné (!) par son propre fils, Commode, si mal nommé, qui s'impose à la tête de l'empire et ordonne illico la mort pour Maximus et sa famille. Le général survit par miracle à l'exécution et devient esclave et gladiateur dans les vallées de Numidie (le Maroc actuel).

Pendant ce temps, à Rome, le nouvel empereur organise de grands jeux dans le cirque du Colisée afin de se concilier les faveurs de la plèbe, le petit peuple de la Ville, et de consolider son autorité face au Sénat aristocratique. Le gladiateur Maximus se retrouve donc dans l'arène du Colisée où il devient la vedette des Jeux tout en ruminant sa vengeance.

L'Histoire absente

Gladiator s'éloigne quelque peu de la réalité historique par les images et les mots. Passons sur les intérieurs qui évoquent un cabinet de curiosités du XVIIIe siècle ou sur le langage, très éloigné de l'austère diction de Cicéron.

Les combats de gladiateurs s'apparentent à une boucherie façon Mad Max. C'est oublier que les véritables gladiateurs combattaient sous la conduite d'un arbitre et ne tuaient leur adversaire qu'à la demande expresse de la foule. Beaucoup étaient des hommes libres et non des esclaves. Le film montre que les entraîneurs en prenaient soin et récompensaient les meilleurs de toutes les façons possibles car ils étaient la source de leur richesse.

Gladiator revient fréquemment sur les aspirations du Sénat au retour à la République d'avant Jules César. Mais à l'époque de Marc Aurèle, plus de 2 siècles après César, il paraissait aussi incongru de rendre au Sénat son ancienne autorité que de restaurer aujourd'hui, en France, la dynastie capétienne.

Le film prend aussi de très grandes libertés avec la réalité historique. Marc Aurèle n'a pas été assassiné mais il est mort de la peste à l'aube de ses 60 ans, en l'an 180 de notre ère, pendant une campagne militaire. Ce philosophe stoïcien se révéla un empereur plutôt médiocre. Il avait entamé son règne de vingt ans en partageant le pouvoir avec Lucius Verus, plus doué que lui pour le pouvoir mais trop tôt disparu.

Marc Aurèle, tout philosophe qu'il était, ne se priva pas de livrer les chrétiens aux lions, comme Blandine et Pothin à Lyon. Il n'était pas si réticent que cela à l'idée de donner l'empire à son fils Commode, lequel d'ailleurs était certes fantasque mais peut-être pas aussi fou que l'on croit.

Les témoignages au sujet de Commode sont contradictoires. Il est vrai que les sénateurs lui conservent une solide rancune car il les a beaucoup combattus. Mais il eut le bon goût de mettre un terme provisoire aux massacres de chrétiens sur les instances de sa concubine Marcia, elle-même chrétienne.

Commode, qui était bâti comme un colosse, se prenait parfois pour une réincarnation d'Hercule et certains suggèrent qu'il serait descendu dans l'arène pour le plaisir de combattre.

Le pouvoir ayant peu à peu ruiné son équilibre mental, il fut assassiné en 192, soit après douze ans de règne, par Marcia, qui tenta de l'empoisonner puis le fit étrangler dans son bain. C'était la première fois depuis plus d'un siècle qu'un empereur mourait de mort violente.

À noter que Commode fut le deuxième empereur à recevoir le pouvoir de son père biologique. Avant lui, il y eut Titus, fils de Vespasien et frère aîné de Domitien. Le plus souvent, les empereurs romains, faute de fils légitime, adoptaient un homme de valeur auxquels ils transmettaient le pouvoir. C'est ainsi que firent les prédécesseurs de Marc Aurèle, ces empereurs de la dynastie dite des Antonins sous l'autorité desquels l'empire vécut son Siècle d'Or.

À la mort de Commode, le vieux et sage Pertinax, préfet de la ville, fut élu empereur. Mais après lui, Rome entra dans une décadence rapide marquée par l'insécurité, les invasions et l'appauvrissement des campagnes.

Allons, ne boudons pas notre plaisir. Applaudissons Gladiator... et quand notre curiosité aura été aiguisée, prenons un livre pour nous replonger dans l'Histoire de Rome.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-11-20 21:46:15

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