Des Lumières à l'Âge industriel

L'Europe et le monde au XVIIIe siècle

Après les grandes découvertes de la Renaissance, les sociétés aristocratiques d'Europe se mettent en quête des produits délicats qui font le plaisir de la vie : sucre, épices, métaux précieux, thé et porcelaine de Chine...

C'est l'origine d'une mondialisation des échanges, non sans de graves conséquences politiques et humaines (traite atlantique, soumission et exploitation des peuples les plus démunis...).

 

I] La course aux épices

Aux XVIe et XVIIe siècles, en Europe, la bourgeoisie et la haute aristocratie se jettent avec frénésie dans le luxe et la consommation de produits rares, en particulier du sucre, des épices et des cotonnades. Ils y ont pris goût suite à l'arrivée de Vasco de Gama à Calicut, en Inde du sud, dans un univers déjà très ouvert au commerce international, où se côtoient commerçants arabes, indiens, mongols, indonésiens et autres.

Comptoir de la Compagnie des Indes, gravure (musée de la Compagnie des Indes, Lorient)

En échange de ces produits de luxe, les Européens n'ont rien à offrir de significatif. Ils se lancent donc dans la conquête de l'or du Nouveau Monde. C'est ainsi que prend fome la deuxième «mondialisation» de l'Histoire (la première, limitée à l'Eurasie, est née de l'unification des steppes asiatiques par Gengis Khan, au coeur du Moyen Âge ; la troisième correspond à l'expansion industrielle du XIXe siècle ; la quatrième est celle que nous vivons aujourd'hui).

Dès le XVIIe siècle, les Anglais et plus encore les Hollandais en viennent à dominer le commerce international. Pour amortir les risques financiers des navigations au long cours,qui peuvent durer plusieurs mois et sont pleines d'aléas, leur gouvernements mettent en place des compagnies de commerce à monopole.  Ils accordent des exemptions fiscales conséquentes aux marchands et armateurs qui voudront bien investir dans le commerce des épices comme dans la colonisation du Nouveau Monde... et la traite des esclaves. En  d'autres termes, ils subventionnent avec l'argent public un commerce destiné à satisfaire les goûts de luxe de l'oligarchie.  

Les Hollandais fondent la VOC (Verenigde Oost Indische Compagnie) en 1602. Plus intéressés par le commerce des épices que par la colonisation de l'Amérique, ils arment de nombreux vaisseaux qui vont chercher les précieuses marchandises aux Indes orientales (l'Inde actuelle et l'Indonésie).

Les Provinces-Unies suscitent la jalousie de leurs voisins. L'Angleterre décide de se lancer dans le grand commerce maritime à leur imitation. La reine Elizabeth 1ère encourage les entreprises de ses marins et corsaires, Francis Drake ou encore Sir Walter Raleigh. Ces derniers attaquent les convois espagnols chargés d'or. Ils fondent aussi des colonies en Amérique du Nord, comme la Virginie, ainsi nommée en l'honneur de la «reine vierge», Elizabeth 1ère (celle-ci ne s'était jamais mariée et était supposée vierge). 

Au milieu du XVIIe siècle, en 1651, le dictateur Oliver Cromwell édicte un premier «Acte de navigation» par lequel il oblige les marchandises anglaises (laine...) à n'être exportées que par des navires battant pavillon anglais. Cette loi encourage les Anglais à investir dans la marine marchande. Et bientôt leurs navires concurrencent les Hollandais partout dans le monde (sauf dans l'actuelle Indonésie). 

À la fin du XVIIe siècle, les Provinces-Unies commencent à décliner et comme elles sont menacées d'invasion par les armées du roi de France, Louis XIV, elles doivent s'allier à leur principal concurrent : l'Angleterre !

La France, principale puissance européenne, ne reste pas indifférente au commerce maritime. Les première explorations, entamées sous les règnes de François 1er et Henri II, ont été interrompues par les guerres de religion. Henri IV et ses successeurs s'y remettent. Sous le règne de Louis XIII, Samuel de Champlain fonde Montréal.

Sous Louis XIV, Cavelier de la Salle découvre le Mississipi. Le ministre Richelieu organise la colonisation de la Nouvelle-France (le Canada actuel) d'une façon très administrative : les paysans sont ainsi placés sous l'autorité d'un seigneur, comme en France! Les Français colonisent aussi les petites Antilles: la Martinique et la Guadeloupe, ainsi que les îles des Mascareignes (La Réunion et Maurice). A Madagascar, ils fondent Fort-Dauphin.

Grâce à la traite d'esclaves africains qui leur fournit une main-d'oeuvre bon marché, les planteurs peuvent exporter du sucre de canne en Europe. La traite et le commerce du sucre font la fortune des grands ports de la façade atlantique Bordeaux et Nantes.

Le 27 août 1664, Colbert convainc le roi Louis XIV de fonder à son tour une Compagnie française pour le commerce des Indes orientales [les Indes orientales désignent l'Asie de la mousson]. Son siège est à Paris et l'on lance la construction d'un port et d'un chantier naval, au sud de la Bretagne, dans une crique protégée des tempêtes par l'île de Groix, au pied d'une ancienne citadelle espagnole, Port-Louis.  Pour bien afficher sa vocation commerçante, cette ville nouvelle va prendre le nom de... Lorient. À l'aube de la Révolution française, elle aura déjà 20.000 habitants. 

En 1720, la Compagnie des Indes reçoit aussi le monopole de la traite sur la côte africaine, essentiellement en Sénégambie, la région des fleuves Sénégal et Gambie. Mais elle doit en partager les bénéfices avec les autres ports négriers français, Bordeaux et Nantes. Notons que les armateurs ne  sont pas plus spécialisés dans un commerce que dans un autre. Selon la demande du moment, ils vont embarquer des esclaves, du sucre, du café ou autre chose.  

Aux Indes, Joseph Dupleix, un jeune marchand audacieux, se lie avec les princes hindous et tente de bâtir rien moins qu'un empire colonial des Indes. Il jette les bases d'un véritable empire colonial français dans ce sous-continent. Mais les Anglais ne veulent pas lui laisser ce plaisir. Le gouvernement de Londres soutient activement ses marchands dans leur combat contre Dupleix. Ce dernier est abandonné par le roi Louis XV qui ne comprend pas l'importance de l'enjeu et a d'autres soucis sur le continent européen. Son entreprise aboutit à un cinglant échec avec le traité de Paris de 1763 qui laisse le champ libre aux Anglais. 

II] Le commerce avec les Indes et la Chine

Porcelaine de Chine (musée de la Compagnie des Indes, Lorient) L'Inde des Grands Moghols se signale par un extraordinaire savoir-faire dans les textiles et en premier lieu les cotonnades. Les artisans indiens savent, à la différence des Européens, tisser des toiles entièrement en coton (fil de chaîne et fil de trame). Ils maîtrisent également à la perfection les coloris.

Ces toiles (les indiennes) ont tant de succès qu'elles portent préjudice aux tisserands européens. Ces derniers protestent contre une concurrence asiatique qui bénéficie - un comble - de subventions gouvernementales par le biais de la compagnie importatrice. 

Dès la fin du XVIIe siècle se développe aussi le commerce avec la Chine, laquelle est alors un très  prospère empire, avec des productions de très grande réputation et sans équivalement en Occident : soieries, porcelaine, thé... Mais l'empereur Qianlong tente de restreindre le commerce. Instruit par les déboires de l'Inde, celui-ci impose aux commerçants européens de ne pas accoster ailleurs qu'à Canton, au sud de l'empire.

Les Français se limitent à un ou deux bâteaux par an vers la Chine ; beaucoup plus en ce qui concerne les Anglais... ce qui fait que ces derniers ont pris goût au thé, qui était à l'origine une exclusivité chinoise, tandis que les Français et autres continentaux sont restés fidèles au café.

De Chine, les Anglais ramènent du thé, qui devient indispensable à leur mode de vie, mais aussi  des porcelaines fines. Bientôt, les artisans chinois se voient passer des commandes avec des motifs non plus dans la tradition chinoise mais dans le goût européen. Le monopole chinois sur les porcelaines n'est brisé qu'au milieu du XVIIIe siècle par les artisans de Saxe.

À la faveur de la guerre de Sept Ans et du traité de Paris qui y met fin en 1763, les Anglais chassent leurs rivaux du Canada (la Nouvelle-France devient colonie anglaise) et des Indes (à l'exception de cinq comptoirs aux noms charmants: Chandernagor, Pondichéry, Karikal, Mahé, Yanaon.

La France prend sa revanche sous le règne de Louis XVI, vingt ans plus tard, en aidant les Insurgents des Treize Colonies anglaises d'Amérique du Nord à prendre leur indépendance. Le traité de Versailles de 1783 consacre la naissance des États-Unis d'Amérique, un pays à jamais ami de la France, à laquelle il doit sa naissance.

En définitive, pour parler le langage du sport, c'est l'Angleterre qui remporte la troisième et dernière manche... Vingt ans plus tard, en 1803, Napoléon 1er, qui a besoin d'argent pour faire la guerre sur le continent européen, vend la Louisiane aux États-Unis d'Amérique. Quelques mois plus tôt, il a fait perdre à la France la prospère colonie de Saint-Domingue (Haïti).

L'Angleterre est désormais le fer de lance de la pénétration européenne dans le reste du monde. Au siècle suivant, elle imposera sa loi sur la plus grande partie de la planète.

Pour aller plus loin

- Lancez-vous dans la course aux épices avec les armateurs et les marins hollandais [récit]

- Découvrez Bordeaux, le grand port français du XVIIIe siècle, dont les intendants ont voulu faire la «plus belle ville du royaume»... [récit]

Vue d'une partie du port de Bordeaux prise du côté des Salinières, huile sur toile de Jospeh Vernet (1714-1789), 2,63 m. x 1,65 m., 1758, Musée national de la Marine, Paris

- Suivez les avatars de la célèbre Compagnie des Indes [récit]

- Faites connaissance d'un précurseur dans l'exploration de l'Afrique [récit]

Des outils pour comprendre
- Survoler l'espace :

Voici les grands découvreurs qui ont précédé les marchands européens sur les routes maritimes  [carte]

Vérifier les connaissances

- Que désigne la VOC? [réponse]

- À qui la ville de New York doit-elle son nom? [réponse]

André Larané

 

Publié ou mis à jour le : 2020-05-02 18:38:15

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