21 décembre 2015

Régionales : la nouvelle « affaire corse »

On ne les a pas vus venir. Profitant de ce que la classe politique n'avait d'yeux que pour le Front National aux élections régionales des 6 et 13 décembre 2015, les nationalistes corses ont pu gagner la présidence de leur région sans qu'il ait jamais été question de leur faire barrage avec un « front républicain ». Pourtant, une partie de ces nationalistes, les militants de Corsica Libera réunis autour de l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni, n'ont jamais caché leur hostilité à la République française...

En juillet 2003, lassés par les violences et luttes intestines des nationalistes du FLNC, les Corses n'ont pas voulu leur offrir une tribune et ont rejeté le projet de collectivité unique suggéré par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.

Mais dix ans plus tard, en mai 2013, la situation a dérapé à l'Assemblée de Corse où le président de gauche Paul Giacobbi, de concert avec le député indépendantiste Jean-Guy Talamoni, a fait voter un projet de « coofficialité » de la langue corse, qui la mettrait à parité avec le français, en violation avec la Constitution de la République française (article 2 : « La langue de la République est le français... »). Il a aussi fait voter un projet qui réservait aux résidents établis en Corse depuis plus de cinq ans le droit d'accéder à la propriété foncière. Bien entendu, ces projets qui devaient établir des barrières entre les citoyens français n'ont pas été votés par le Parlement français.

Aux municipales de mars 2014, l'autonomiste modéré Gilles Simeoni a gagné la mairie de Bastia, deuxième ville de l'île, avec l'appui des radicaux de gauche. À la lumière de ce nouveau succès électoral, le FLNC « déposait les armes » deux mois plus tard. C'est que les urnes devenaient plus attractives que le plastic.

Tout s'est emballé avec la nouvelle loi de réorganisation territoriale bricolée à la hâte par le président François Hollande et approuvée par le Parlement français le 7 août 2015. Elle a remis en selle le projet rejeté par les Corses en 2003 en instituant à compter du 1er janvier 2018 une collectivité territoriale unique avec des pouvoirs élargis, une Assemblée de Corse et un Conseil exécutif aux allures de « mini-gouvernement ».

Faillite de l'État

Arrivent les élections régionales du 6 décembre 2015. Comme les autres régions méditerranéennes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Languedoc-Roussillon, la Corse exprime massivement son rejet des partis traditionnels, disqualifiés à l'échelon local et régional par un clientélisme échevelé.

Mais au lieu de se porter comme ailleurs sur le Front National, les protestataires lui préfèrent les nationalistes : les autonomistes de Gilles Simeoni recueillent 18% des suffrages exprimés et les indépendantistes de Jean-Guy Talamoni 8% (en y ajoutant les 10% du FN, on arrive à un total d'environ 40% d'électeurs « hors-système » ; ce total est similaire à celui du FN tout seul dans les autres régions méditerranéennes).

Au second tour, le 13 décembre 2015, face à trois listes concurrentes (droite, divers gauche et FN), la liste de fusion Simeoni-Talamoni l'emporte avec 35% des suffrages exprimés. Elle obtient la majorité relative (24 sièges sur 51 à l'Assemblée de Corse) et la présidence du Conseil exécutif de la Corse, confiée à Gilles Simeoni.

Jean-Guy Talamoni plastronne le 17 décembre 2015 en prononçant son discours d'intronisation en langue corse, une manière d'exclure les élus et les citoyens qui ne comprennent pas cette langue et ne partagent pas ses convictions, une manière surtout de violer la Constitution et défier l'autorité de l'État. Les plus hauts représentants de celui-ci, le président de la République et le Premier ministre, se tiennent muets au grand désarroi des médias tant de droite que de gauche (Le Figaro et Le Monde).

Dix-huit mois plus tard, les élections présidentielles donnent une nouvelle fois l'occasion aux mécontents d'exprimer leur rejet de la classe politique. Mais, faute de candidat indépendantiste, en Corse, cette fois, le vote protestataire se porte sur la candidate du Rassemblement national Marine Le Pen, comme dans les autres départements déshérités de la métropole et de l'outre-mer. Rebelotte en 2022 où les électeurs corses donnent une majorité de suffrages à Marine Le Pen contre le président sortant (et reconduit) Emmanuel Macron (note).

Ce vote peut s'expliquer en bonne partie par la mise à mort scandaleuse, deux mois plus tôt, du militant indépendantiste Yvan Colonna (63 ans). Condamné à la perpétuité en 2003 pour le meurtre du préfet Claude Érignac et incaréré sur le continent, il est  étranglé à mort le 2 mars 2022 par un autre détenu, ce qui a entraîné une nouvelle flambée d'émeutes sur l'île et revigoré. En conséquence de quoi, sans rancune à l'égard des électeurs corses, le président Macron va juger plus urgent que jamais, le 28 septembre 2023, de réouvrir le débat sur une hypothétique autonomie de l'île.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-09-29 17:27:37

Voir les 9 commentaires sur cet article

siska (01-01-2016 18:32:19)

Peu au fait de ce qui constitue "l'âme corse et sa nation" je me garderai d'émettre le moindre jugement sur leurs fondements. Si vraiment les corses veulent leur indépendance pourquoi refuser de l... Lire la suite

Hervé Mathis (29-12-2015 14:57:38)

Peu au courant des subtilités corses, je ne comprends pas comment on peut trouver l'article de Joseph Savès "honteux", "passionnel" ou "haineux". En le relisant une seconde fois, je trouve le propos... Lire la suite

François Quilichini (27-12-2015 17:32:08)

Bonjour, Article honteux et partisan de quelqu'un qui a la méconnaissance de la Corse et dont la référence est Colomba! Permettez moi, sur un site d'Histoire, de préférer Fred Scamaroni ou Daniel... Lire la suite

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