Pologne, l'État phénix

La Pologne, des Piast aux Jagellon

C'est autour de l'an Mil que le peuple polonais entre dans l'Histoire. Jusqu'alors, la grande plaine polonaise, restée à l'écart du monde romain, avait avant tout constitué une voie d'accès privilégiée à la péninsule européenne pour les vagues successives d'envahisseurs venus d'Asie.

Le nom même du pays fait référence à son relief. La racine pol désigne une plaine ou un champ dans les langues protoslaves. De fait, quasiment toute la Pologne est une immense plaine avec une altitude inférieure à 500 mètres, ce qui en fait un terrain propice aux invasions comme aux conquêtes...

Alban Dignat

La Pologne des Piast

À la fin du premier millénaire, les diverses populations slaves qui habitent le bassin de la Vistule finissent par s'unir autour de leur commune foi catholique, solidement implantée dans la région depuis les missions évangélisatrices des apôtres Cyrille et Méthode, au IXe siècle.

Statues de Mieszko et Bolesław (1841) par Christian Daniel Rauch dans la Chapelle dorée de la cathédrale de Poznań (Pologne).Une identité polonaise naît ainsi, dont la tradition historique fait coïncider l'apparition avec le règne de Mieszko Ier, à la fin du Xe siècle. Ce chef de tribu devenu roi fonde en effet une dynastie, celle des Piast, qui va régner durant cinq siècles sur la Pologne.

Le premier fait connu de l'Histoire de la Pologne remonte à 962. C'est une rencontre quelque peu brutale entre le duc Mieszko et une armée allemande aux ordres du Saxon Otton, qui, fort de ses succès face aux Hongrois, venait de relever l'empire d'Occident !

Vaincu, Mieszko (ou Miécislas) se reconnaît vassal de l'empereur allemand mais n'en réussit pas moins à fédérer autour de lui les différentes tribus slaves du bassin de la Vistule.

Sous l'influence de sa femme, une princesse tchèque, le duc rompt avec le paganisme, se convertit au catholicisme en 966, fonde l'évêché de Poznan deux ans plus tard et place ses États sous la protection du Saint-Siège. Ainsi compte-t-il échapper à la colonisation allemande.

Son fils Boleslas Ier le Vaillant lui succède en 992. Il obtient de l'empereur Otton II l'autorisation de fonder l'archevêché de Gniezno, ce qui rend l'église polonaise indépendante du haut clergé allemand. Là-dessus, il s'empare à l'ouest de la Poméranie, de la Moravie, de la Silésie et de la Lusace, étendant ses possessions jusqu'à l'Elbe. Ses succès inquiètent l'empereur Henri II, fils d'Otton II et dernier représentant de la dynastie saxonne. Cet empereur très pieux, qui sera canonisé de même que son épouse Cunégonde, confirme les conquêtes de Boleslas à l'exception de la Bohême, par la paix de Bautzen, en 1018.

Mais l'infatigable Boleslas envahit aussi la Russie blanche à l'est et s'empare même de Kiev. Le 18 avril 1025, deux mois avant de mourir, il obtient enfin d'être couronné par l'archevêque de Gniezno et devient le premier roi de Pologne, sans demander la permission de l'empereur et sans même attendre la bénédiction du pape.

Entrée de Boleslas le Vaillant à Kiev, Wincenty Smokowski, vers 1830, musée national de Varsovie.

Dans ce royaume féodal et agraire, de grandes villes se développent, comme Wroclaw (Breslau en allemand), Poznan et Cracovie, capitale du royaume. La puissance de l'Église catholique n'empêche pas par ailleurs l'octroi par le pouvoir royal de larges libertés aux juifs, la Pologne abritant bientôt la plus grande communauté juive d'Europe. Mais sur le plan militaire et politique, les successeurs de Boleslas n'ont pas son énergie. Ils perdent la plupart de ses conquêtes sous la pression des Allemands.

À partir du XIIIe siècle, bien que catholique, la Pologne est aussi soumise aux interventions incessantes des chevaliers teutoniques de Prusse, qui s'emparent notamment de plusieurs ports polonais. Mais leurs attaques ne sont que peu de poids au regard des destructions infligées au même moment par les invasions mongoles.

Au milieu du XIVe siècle, le roi Casimir III le Grand, qui règne de 1333 à sa mort, le 5 novembre 1370, hisse la Pologne parmi les grandes nations européennes grâce à ses nombreuses constructions et à l'attention apportée au développement de la vie intellectuelle. Grâce également à une politique audacieuse à l'égard des juifs : il leur accorde dès 1334 le Privilegium. Cette protection juridique va attirer dans le pays de nombreux marchands et artisans et contribuer à l'extraordinaire rayonnement intellectuel et artistique du pays jusqu'au XVIe siècle.

Baptême de la Lituanie, 1900, Ladislas Ciesielski, musée national de Varsovie. Sont représentés Hedwige Ire de Pologne, le roi Ladislas II Jagellon et André Wasilo (évêque catholique).

L'apogée des Jagellons

À la fin du XIVe siècle, le royaume de Pologne se rapproche de son voisin, le grand-duché de Lituanie. Cet État païen, le dernier d’Europe, occupe alors un territoire considérable, de son berceau sur la Baltique jusqu'à la mer Noire.

Louis Ier, roi de Pologne et de Hongrie, meurt le 10 septembre 1382 sans héritier mâle. Sa fille Hedwige hérite de la Pologne tandis que son autre fille Marie hérite de la Hongrie. Trois ou quatre ans plus tard, en mars 1386, Hedwige épouse le grand-duc Jagellon de Lituanie qui devient ainsi roi de Pologne sous le nom de Ladislas II et se fait baptiser par la même occasion. Il inaugure la prestigieuse dynastie des Jagellon.

En 1392, Ladislas II cède le grand-duché de Lituanie à son cousin Vytautas pour se concentrer sur la Pologne sans toutefois rompre l’union dynastique des deux pays. Ensemble, les deux États relancent la guerre contre l’État teutonique qui s’est beaucoup agrandi au cours des dernières décennies. En 1410, ils remportent ainsi la bataille de Tannenberg qui leur permet de récupérer des territoires précédemment perdus.

En parallèle, Pologne et Lituanie profitent de l’affaiblissement des Mongols de la Horde d’Or pour s’étendre vers la mer Noire, dans des régions qui appartenaient autrefois à la Rus’ de Kiev. La Moldavie doit accepter la suzeraineté polonaise. L’expansion vers l’Est échoue en revanche face à la montée en puissance de la Moscovie.

 Casimir IV, XVIIe siècle, musée Zamkowe, Malbork, Pologne. Agrandissement : Casimir IV par Marcello Bacciarelli, 1708.En 1440, le roi de Pologne Ladislas III hérite du trône de Hongrie, reconstituant temporairement l’union avec ce royaume, mais il meurt quatre ans plus tard lors de la bataille de Varna qui l’oppose aux Ottomans. Son frère Casimir, qui est alors grand-duc de Lituanie, récupère le trône de Pologne mais pas celui de Hongrie.

Les 45 années de règne de Casimir IV consacrent un nouvel apogée de la Pologne-Lituanie. Celle-ci remporte de nouvelles victoires contre l’État teutonique : en 1466, la Pomérélie est rattachée au royaume de Pologne tandis que le reste de la Prusse passe sous suzeraineté polonaise.

Le prestige de la dynastie Jagellon s’accroît encore lorsque son fils Vladislas devient roi de Bohême en 1471, puis roi de Hongrie en 1490. L’autorité du père et du fils s’étend ainsi sur une bonne part de l’Europe de l’Est.

Le royaume connaît une Renaissance précoce et brillante, qu'illustrent notamment le chanoine et astronome Copernic et le poète Kochanowski, véritable fondateur de la littérature polonaise slavophone. Nicolas Copernic va quant à lui révolutionner notre perception de l’Univers en prouvant que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse : il remet en cause la distinction ordinaire entre un monde terrestre peuplé par les mortels et un monde céleste de nature divine.

La Pologne se signale aussi par une grande tolérance religieuse : face à la masse catholique des paysans, une grande partie de l'élite bourgeoise et nobiliaire se convertit très rapidement aux doctrines luthériennes et calvinistes sans que se produisent les troubles religieux qui déchirent alors l'Europe. Et bien des sectes protestantes se réfugient dans ce « pays sans bûcher »

À l'extérieur, la principale menace vient de la Moscovie qui connaît une expansion rapide et commence à grignoter des territoires de la Pologne-Lituanie. Puis le roi de Bohême et de Hongrie subit un désastre face aux Ottomans à la bataille de Mohacs en 1526, ce qui marque la fin de la dynastie Jagellon dans ces deux royaumes au profit des Habsbourg.

En 1558, la Russie d’Ivan le Terrible tente de conquérir la Livonie, ce qui provoque l’entrée en guerre de la Pologne et de la Lituanie aux côtés de la Suède et du Danemark-Norvège. Trois ans plus tard, le roi Sigismond II obtient la suzeraineté sur les duchés de Courlande et de Livonie.

En 1569 enfin, la Pologne et la Lituanie sont officiellement unies en un unique État, la « République unie de Pologne-Lituanie » ou Royaume des Deux Nations. Le roi Sigismond II meurt sans héritier en 1572. C’est la fin de la dynastie des Jagellon. Dès lors, l'accès au trône sera soumis à un système électif qui va renforcer le pouvoir de la noblesse et affaiblir l'État polonais jusqu'à le tuer...

Publié ou mis à jour le : 2024-03-01 23:16:10

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