Louis XVIII le Désiré (1755 - 1824)

Le «Roi-fauteuil»

Le destin aventureux du roi Louis XVIII illustre les tourments de la monarchie sous la Révolution française et les difficultés de la Restauration après la chute de Napoléon Ier.

Né en 1755 à Versailles, à l'apogée de la société aristocratique raffinée de l'Ancien Régime, il eut à connaître les tourments de l'exil et l'ingratitude des hommes. Ces épreuves l'assagirent et lui permirent de tenir honorablement son rôle de souverain consitutionnel.

Maximilien Girard

Le roi Louis XVIII en costume de sacre (François Gérard, vers 1814-1815, Hôtel Beauharnais, Paris)

Un jeune homme inconséquent

À sa naissance, le futur souverain est prénommé Stanislas en souvenir de son arrière-grand-père, roi de Pologne et duc de Lorraine. À Paris, la rue Stanislas et le célèbre collège du même nom lui doivent leur appellation. Il reçoit d'abord le titre de comte de Provence et est appelé Monsieur quand son frère devient roi sous le nom de Louis XVI.

Joseph Duplessis, Portrait du comte de Provence, frère du Roi, 1778Libertin et quelque peu inconséquent, marié sans enfant, il jouit de tous les privilèges habituels à la haute aristocratie de son époque. Comme beaucoup de princes de sa génération, il se montre singulièrement aveugle sur les réalités de son temps. Il use et abuse des privilèges de son état tout en contestant l'autorité du roi et de la reine. Il a néanmoins quelques éclairs de lucidité. Ainsi quand il s'oppose (en vain) au retour des parlementaires en 1774 ou souhaite en 1789 le doublement de la représentation du tiers état aux états généraux.

Il part pour l'exil le jour même où son frère tente de s'enfuir des Tuileries. Tandis que Louis XVI est arrêté à Varennes, le comte de Provence gagne la Belgique avant de rejoindre à Coblence, sur les bords du Rhin, son plus jeune frère, le comte d'Artois (futur Charles X), qui avait fui la France dès le lendemain de la prise de la Bastille.

De 1791 à 1815, il n'en finira pas de courir l'Europe d'un exil à l'autre, entouré d'une petite cour de médiocres courtisans, dédaigné par les autres familles royales, en butte à l'opposition de son propre frère, le comte d'Artois, qui lui succèdera sous le nom de Charles X. Excédé par tant d'indocilité, il déclare un jour à propos de ce frère : « Croyez-vous qu'il soit facile de se faire obéir par son frère lorsque, enfants, on a joué ensemble et dormi dans le même lit ? »

Un si long exil

D'abord installé à Coblence, le comte de Provence s'attribue le titre de régent après la mort de Louis XVI puis celui de roi après celle de Louis XVII.

Il gagne Vérone pour tenter de soulever le Midi de la France, en est expulsé en 1796 et doit se réfugier à Blankenburg, chez le duc de Brunswick, puis en 1798 à Mitau, chez le tsar de Russie. Le tsar Paul Ier l'expulse sans façon en 1801 et le voilà à Varsovie, sur des terres prussiennes.

Guère soutenu par les cours européennes et en proie à la gêne financière, le prétendant ne se décourage pas. En septembre 1800, il fait des offres au Premier Consul Napoléon Bonaparte, lequel lui fait savoir : « Vous ne devez pas souhaiter votre retour en France. Il vous faudrait marcher sur cinq cent mille cadavres »... Notons que l'épopée napoléonienne coûtera beaucoup plus en vies humaines !

Les espoirs de Louis XVIII s'amenuisent tandis que s'installe l'Empire. Son itinérance se poursuit : retour à Mitau en 1804, sous la protection du nouveau tsar Alexandre Ier, nouveau départ en 1807 après le traité de Tilsit et installation enfin en Angleterre, chez l'ennemi héréditaire, dans plusieurs résidences successives.

Lorsque sonne pour Napoléon l'heure des défaites, l'espoir revient. Avec la bienveillance de l'Angleterre et de la Russie, grâce également à l'habileté de Talleyrand, le frère de Louis XVI fait admettre le principe d'une restauration de la monarchie deux décennies après son abolition. Lui-même, il est vrai, se considère roi depuis la mort en prison de son neveu Louis XVII, le 8 juin 1795. À un quidam qui lui déclare, apprenant l'abdication de l'Empereur, le 4 avril 1814 : « Sire, vous êtes roi ! », il répond du tac au tac : « Ai-je jamais cessé de l'être ? ».

Allégorie du retour des Bourbons le 24 avril 1814 : Louis XVIII relevant la France de ses ruines

Un roi de bonne volonté

Le 6 avril 1814, le Sénat napoléonien appelle officiellement au trône Louis XVIII. C'est le « retour des lys » ! Louis XVIII, qui se fait appeler le Désiré (!) quitte sans attendre sa retraite de Hartwell et débarque à Calais. En route vers Paris, il publie le 2 mai à Saint-Ouen une déclaration dans laquelle il promet un gouvernement représentatif et le respect des acquis de la Révolution. Soulagement chez les Français de tous bords, désireux de retrouver enfin la paix.

Le roi, guéri de ses folies de jeunesse, tente non sans mérite de réconcilier la France de la Révolution et celle de l'Ancien Régime.

François Gérard, Le Roi Louis XVIII dans son cabinet de travail des Tuileries, 1823lgnorant le projet constitutionnel préparé par les sénateurs, il « octroie » lui-même au peuple français, le 4 juin 1814, une « Charte constitutionnelle » à sa façon, ne voulant pas que la Constitution lui soit « imposée » par une assemblée constituante. Il s'agit d'une contrefaçon du système anglais : le roi se réserve le pouvoir exécutif mais ses ministres sont responsables devant le Parlement composé de deux chambres : une Chambre des pairs (héréditaires) et une Chambre des députés (élus).

Le système électoral est censitaire : les électeurs doivent justifier de 300 francs d'impôts et les élus de 1000 francs, ce qui limite drastiquement le corps électoral à moins de deux cent mille contribuables aisés. 

Mais le retour de l'ex-empereur de l'île d'Elbe, en mars 1815, oblige le roi à une fuite peu glorieuse et ruine ses efforts de conciliation.

Un gouvernement exemplaire

Après le désastreux intermède des « Cent jours » de Napoléon Ier, qui s'achève sur la bataille de Waterloo, le roi quitte son exil temporaire de Gand. De retour à Paris dans les « fourgons de l'étranger », il promet d'abord aux Français, à Cambrai, le 28 juin 1815, l'oubli et le pardon pour les trahisons et les égarements des « Cent jours ».

De fait, son premier gouvernement, formé le 7 juillet 1815, s'avère être l'un des meilleurs qu'ait jamais eu la France, avec notamment Talleyrand aux Affaires étrangères, Fouché à l'Intérieur, le maréchal Gouvion Saint-Cyr à l'Armée, le baron Louis aux Finances et le chancelier Pasquier à la Justice...

Mais le gouvernement est hélas renversé à la suite des premières élections législatives des 14 et 22 août 1815 qui installent au Palais-Bourbon une majorité de députés ultra-royalistes (« plus royalistes que le Roi »), partisans du retour à l'Ancien Régime.

Leur chef de file est le comte d'Artois, frère cadet du roi et futur Charles X.

Fouché et Talleyrand victimes de l'amour !

Dorothée von Biron, princesse de Courlande, duchesse de Dino (21 août 1793 ; 19 septembre 1862) (Joseph Chabord, château de Valencay)L'échec de Fouché et Talleyrand, d'ordinaire habiles à manœuvrer l'opinion, vient de leurs émois amoureux, à respectivement 57 et 61 ans.
Le premier, veuf d'une ex-nonne qui lui a laissé des « marcassins » (c'est le mot employé par Barras dans ses Mémoires pour qualifier les enfants du couple), s'est remarié le 1er août 1815 avec Mlle Gabrielle-Ernestine de Castellane (27 ans), une jeune fille ravissante de la haute société aristocratique qui lui a ouvert de nouveaux horizons érotiques.
Quant au second, il a perdu ses moyens après que sa chère nièce, Dorothée de Courlande, future duchesse de Dino (23 ans), se soit énamourée d'un bel officier hongrois.

La « Terreur blanche »

Dès avant les élections, il est devenu impossible au roi de résister à la soif de revanche des émigrés sur les fidèles de la Révolution et de l'Empire.

Il s'en est suivi une brève mais violente période de « Terreur blanche » (les royalistes s'en prenant aux bonapartistes et aux libéraux), qui voit le 2 août l'assassinat du maréchal Brune à Avignon et le 17 août celui du général Ramel à Toulouse.

Le 5 septembre 1816, Louis XVIII dissout la Chambre, qu'il qualifie lui-même de « Chambre introuvable ».

Les nouvelles élections permettent l'arrivée à la tête du gouvernement du duc de Richelieu, un modéré, lointain parent du cardinal, qui, dans l'émigration, a servi le tsar en qualité de gouverneur d'Odessa.

Après sa démission le 21 décembre 1818, le duc Élie Decazes (38 ans), ancien avocat à Libourne et préfet de police, occupe le ministère de l'Intérieur. Libéral, séduisant et ouvert, il bénéficie de la paternelle sympathie du roi et ne tarde pas à devenir le véritable président du Conseil (chef du gouvernement).

Mais tout s'effondre quand survient le meurtre de l'héritier du trône, le duc de Berry, neveu du roi, par le cordonnier Louvel ! Les « ultras » se déchaînent. Le vicomte de Chateaubriand, écrivain célèbre, n'hésite pas à écrire à propos de Decazes : « Le pied lui a glissé dans le sang ».

La victoire illusoire des ultraroyalistes

Passablement découragé, Louis XVIII accepte la démission de Decazes et reprend Richelieu, lequel ne peut plus freiner les ardeurs réactionnaires des « ultras ». Il doit faire une place dans son gouvernement au chef des « ultras », le comte Jean-Baptiste Villèle, maire de Toulouse, mais celui n'en démissionne pas moins en juillet 1821 pour protester contre la politique trop conciliante du duc.

Après les élections partielles d'octobre 1821 qui renforcent la majorité ultraroyaliste, Louis XVIII se voit obligé de rappeler Villèle au gouvernement, d'abord comme ministre des Finances puis comme président du Conseil en septembre 1822. Le même mois, l'opinion éclairée s'indigne de l'exécution des quatre sergents de La Rochelle, coupables d'avoir comploté contre le régime.

Chateaubriand, aux Affaires étrangères, a l'idée de lancer une expédition militaire en Espagne, au nom de la Sainte-Alliance, en vue de restaurer les Bourbons locaux. En le congédiant le 6 juin 1824, Louis XVIII s'offrira une ultime satisfaction avant de mourir trois mois plus tard.

Perclus de goutte, obèse et incapable de marcher, le vieux souverain meurt à près de 69 ans sans avoir réussi à réconcilier la Révolution et l'Ancien Régime. L'intronisation de son frère, le comte d'Artois, sous le nom de Charles X, et son sacre anachronique à Reims, semblent assurer le complet triomphe des ultras... Triomphe illusoire qui, par ses excès, entraînera la chute du dernier Bourbon six ans plus tard.

Publié ou mis à jour le : 2024-01-09 18:16:52

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