Conquête de l'air

Les pionniers de l'aviation (1890-1933)

Depuis des temps immémoriaux, les hommes ont rêvé de voler à l'image des oiseaux. Ce rêve s'est réalisé en deux étapes, d'abord avec les ballons à air chaud des frères de Montgolfier, à la veille de la Révolution, puis avec les avions de Clément Ader, des frères Wright et de Louis Blériot, au tournant du XXe siècle, qui ont permis aux hommes de véritablement naviguer dans les airs.

Dans ces deux étapes, est-il besoin de le dire? les Français ont joué un rôle moteur et le centenaire de la traversée de la Manche par Louis Blériot témoigne d'une époque pas si lointaine - celle de nos grands-parents ou arrière-grands-parents - où la France était à la pointe de la science et de la technique...

André Larané
Le temps des ingénieurs

Sous le Second Empire, en France, des passionnés d'aérostation comme le photographe Nadar ne se satisfont plus de se laisser porter par les vents et aspirent à maîtriser leur navigation à la manière des oiseaux. Ce rêve prend corps par la grâce de quelques ingénieurs, au premier rang desquels Clément Ader. Dans les années 1880, dans son atelier de la rue Jasmin, à Paris, il construit patiemment son futur avion. Pour cela, il acquiert deux roussettes des Indes (variété de chauve-souris géante) et observe leur vol pendant de longues heures. Enfin, il réalise le 9 octobre 1890 un premier vol à Gretz-Armainvilliers. En fait de vol, il ne s'agit que d'un bond de 50 mètres à quelques dizaines de centimètres du sol.

Treize ans plus tard, le 17 décembre 1903, le relais est pris par les frères Wright, des fabricants de cycles passionnés de mécanique, qui effectuent à tour de rôle quatre vols de quelques dizaines de mètres sur une plage de Caroline du Nord.

D'aucuns les considèrent pour cette raison comme les inventeurs de l'aviation, en concurrence avec Clément Ader... et quelques autres.

Le 2 juillet 1900 a eu lieu au-dessus du lac de Constance, en Allemagne, le premier vol d'un étrange engin fuselé, un dirigeable conçu par un général à la retraite, le comte Ferdinand von Zeppelin. Cette technologie parallèle connaîtra quelques succès jusqu'à la catastrophe du zeppelin Hindenburg en 1937.

À Paris, cependant, un riche mécène, le comte Henry de la Vaulx, finance avec ses subsides et ceux de ses amis industriels des inventeurs prometteurs comme Alberto Santos-Dumont, né en 1873 au Brésil et établi à Paris. Ce dernier fait voler un petit ballon à hydrogène puis des aéroplanes à moteur.

Les frères Wright poursuivent leurs efforts en lien étroit avec la France. Le 3 janvier 1909, ils fondent à Pont-Long, près de Pau, la première école de pilotage du monde, car ils sont conscients que pour le développement de l'aviation, il importe en premier lieu de former des pilotes. La même année, l'ingénieur et industriel Louis Blériot réalise l'exploit de la traversée de la Manche. Il fait la preuve que l'avion peut servir à autre chose qu'à des exercices d'acrobatie !

1909, année faste pour l'aviation à peine naissante, voit l'ouverture au Grand Palais, à Paris, du premier salon aéronautique, le Salon de la Locomotion aérienne. Le président Armand Fallières, heureux homme, l'inaugure le 25 septembre 1909. On y compte 380 exposants, avec aussi bien des dirigeables que des avions. Le succès est immense même si l'utilité de ces engins volants reste encore à établir.

En 1905, Charles et Gabriel Voisin créent la première usine d'aviation du monde. En 1911, Robert Morane et Raymond Saulnier fondent la société des aéroplanes Morane-Saulnier, promise à une grande expansion à la faveur de la Grande Guerre.

Guerre et paix

L'aviation, encore dans l'enfance, fait ses premières armes pendant la Grande Guerre !

Les aérostats eux-mêmes ont été employés dès la Révolution française pour la reconnaissance du terrain. Clément Ader, d'un naturel patriotique, fait valoir l'intérêt des bombardements aériens aux militaires. Dès 1909, ceux-ci répondent présent en créant une aviation de combat en France, en Italie et en Allemagne.

Les premiers bombardements aériens surviennent pendant la 1ère guerre balkanique, en 1911. Mais les choses sérieuses débutent en 1914. Les dirigeables allemands, trop facilement inflammables, sont rapidement mis hors jeu. Les aéroplanes sont employés à la reconnaissance ainsi qu'au bombardement (on lâche des fléchettes en acier, avec une efficacité heureusement très relative), enfin à la chasse.

Celle-ci entre dans l'âge adulte avec l'invention du tir rapide à travers l'hélice par le pilote Roland Garros. Le 18 avril 1915, le Français ayant perdu son avion derrière les lignes ennemies, les Allemands le récupérèrent et l'ingénieur Anthony Fokker réussit à reproduire le procédé.

Les opinions publiques se passionnent pour les exploits des nouveaux « chevaliers du ciel ». En France, Charles Nungesser, René Fonck, l'As des As, et le juvénile et charismatique Georges Guynemer ; en Allemagne, Manfred von Richthofen, le « Baron Rouge » (ainsi surnommé en raison de la teinte de son appareil), et son successeur, un certain Hermann Goering que l'on retrouvera plus tard aux côtés de Hitler.

Au début du conflit, on compte 200 avions dans l'armée allemande, 190 dans la russe, 148 dans la française et 84 dans l'anglaise. À la fin, l'armée française aligne 7000 appareils, les Anglais 3700, les Allemands 4500 et les Américains 2050 (fournis par les Français).

Pendant la Grande Guerre, grâce aux commandes de l'État, beaucoup de constructeurs ont acquis une taille industrielle. Parmi eux, Pierre-Georges Latécoère, né en 1883, ingénieur des Arts et Métiers ou encore Marcel Bloch, né en 1892, ingénieur de la nouvelle École supérieure d'aéronautique et de construction mécanique (Sup Aéro) ; il changera plus tard son nom pour celui de Dassault...

Cependant que les pilotes de guerre libérés par la fin des hostilités multiplient les exhibitions acrobatiques pour gagner leur vie, les industriels entament une reconversion plus sérieuse vers le transport des marchandises, des hommes et du courrier.

La maturité

Les premières liaisons commerciales aériennes, pour le transport de courrier et de passagers, débutent après la Grande Guerre de 14-18.

C'est ainsi que le 8 février 1919, le pionnier Henri Farman, né en 1874, inaugure une liaison en trois heures et demi entre les aéroports de Toussus-le-Noble, près de Paris, et Kenley, près de Londres, avec un bimoteur qui vole à 150 km/h au maximum. Le soir du 2 septembre 1923, Maurice Noguès, ancien pilote de guerre, réalise au départ du terrain du Polygone à Strasbourg le premier vol de nuit de l'aviation commerciale avec un copilote et cinq passagers.

De son côté, l'industriel toulousain Pierre-Georges Latécoère lance par-dessus les Pyrénées les premières lignes aériennes postales. On retient de lui cette formule : « Notre idée est irréalisable, il ne nous reste qu'une chose à faire : la réaliser ». Avec Marcel Bouilloux-Lafont et des pilotes hors normes (Mermoz, Guillaumet, Saint-Exupéry...), il fonde l'Aéropostale, promise à une courte mais prestigieuse existence.

Tandis que le jeune Charles Lindbergh ouvre l'Atlantique nord à l'aviation, deux anciens pilotes de guerre, André Faure et Maurice Noguès, fondent le 8 juillet 1930 la compagnie Air Orient. Noguès, aimé des foules à l'égal de Mermoz et Lindbergh, cultive l'ambition d'ouvrir l'extrême-orient à l'aviation. C'est chose faite en janvier 1931 avec une liaison par étapes entre Marseille et Saigon. Mais il n'aura guère le temps de jouir de son succès. Son avion L'Émeraude s'écrase dans le Morvan le 15 janvier 1934, alors qu'il rentre d'Indochine. Trois ans plus tard, Mermoz connaîtra le même sort. Avec lui se terminera le temps des pionniers.

Bibliographie

L'histoire de l'aviation a suscité une bibliographie abondante. Parmi les ouvrages les plus vivants et les plus agréables à la lecture, je suggère Les routes du ciel (Benoît Heimermann, Découvertes Gallimard, 1995) et Histoire de l'aviation (Bernard Marck, Flammarion, 2001).


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