Charlie Chaplin (1889 - 1977)

Le clochard que le monde aime

Tandis que les Européens entrent en 1914 dans un suicide collectif, la frénésie de la « Belle Époque » se prolonge dans les studios d'Hollywood, près de Los Angeles (Californie). Parmi les jeunes talents qui vont donner vie à l'industrie du cinéma figure un bel Anglais au visage avenant qui ne craint pas de se ridiculiser dans le costume d'un clochard lunatique.

Connu des Anglo-Saxons comme The Tramp (« le vagabond »), il sera baptisé Charlot par les Français (traduction de son petit nom anglais Charlie). C'est encore sous ce surnom que Charles Chaplin est le plus souvent désigné en dépit d'une carrière cinématographique parmi les plus longues et les plus prestigieuses du XXe siècle. Par la grâce du rire, il a conféré une épaisseur humaine aux vagabonds, aux humbles et à tous les déshérités de la classe ouvrière.

Fabienne Manière
Max Linder le précurseur

De son propre aveu, Charlie Chaplin a puisé son inspiration dans l'oeuvre d'un précurseur, le Français Max Linder.
Né à Saint-Loubès (Gironde) sous le nom de Gabriel Leuvielle, il se fait connaître dès 1905 comme le créateur de nombreux films loufoques.
Après la Grande Guerre qui lui vaut d'être mobilisé, Max Linder reprend sa carrière de cinéaste à Chicago, dans un studio qui accueille aussi Charles Chaplin, puis à Los Angeles. Il réalise des longs métrages comme Sept ans de malheur ou L'étroit mousquetaire (une parodie !).
La fin est moins drôle. Il se suicide en 1925, à 41 ans, en entraînant dans la mort sa jeune femme âgée de moins de 20 ans, épousée deux ans plus tôt.

Un enfant de la balle

Charles Spencer Chaplin, dit Charlie, est né à Londres le 16 avril 1889 dans une famille d'artistes du music-hall. D'une première liaison, sa mère Hannah a eu un garçon, Sidney, qui restera toujours très proche de son illustre demi-frère. Séparée de son mari, le père de Charlie, elle a un troisième garçon, George, qui sera rapidement séparé de ses demi-frères et ne les retrouvera que bien plus tard.

Charlot et l'enfantÀ 5 ans, d'après ses souvenirs, Charlie chante sur scène à la place de sa mère, victime d'une extinction de voix, et sa performance impromptue fait rire le public aux larmes !

Il participe dès l'âge de 9 ans à des tournées au sein d'une petite troupe, « Eight Lancashire's Lads ».

Son père étant mort alcoolique en 1896 et sa mère devenue folle, Charlie est recueilli dans différents orphelinats avec son demi-frère avant de s'engager dans la troupe de music-hall Karno et de parcourir l'Europe. Quand il s'embarque pour les États-Unis avec la troupe en 1912, il a déjà une bonne réputation de comique.

À Hollywood, engagé par la société de production Keystone de Mack Sennett, il fait le 7 février 1914 la première apparition publique dans le personnage de Charlot qui le rendra célébrissime. Il s'agit du court-métrage Kid Auto Races at Venice (Charlot est content de lui). Le succès vient très vite et, la même année, il est en mesure de réaliser lui-même ses premiers courts-métrages. Pas moins de 35 !

Il va très vite s'épanouir dans le cinéma muet au prix d'un travail acharné. Ses tournages confinent à la torture pour les comédiens, dont lui-même, avec parfois jusqu'à 200 prises pour une seule séquence. Lui-même n'a garde de se faire doubler dans les cascades et les bagarres. Pour un long-métrage qui tiendra au final sur 3000 mètres de pellicules, il ne rechigne pas à en utiliser jusqu'à 50 fois plus.

Douglas Fairbanks, Mary Pickford, Charlie Chaplin et D.W. Griffith (Artistes Associés, 1919) ; agrandissement : Chaplin acclamé à New York en 1921
Un mythe planétaire

Directeur exigeant, Charles Chaplin fonde en 1919 une compagnie de production, les Artistes Associés, avec les acteurs Douglas Fairbanks et Mary Pickford et le réalisateur D.W. Griffith.

Einstein et Chaplin à la Première des Lumières de la Ville (1931)La compagnie se présente à ses débuts comme une fédération de producteurs indépendants. Elle est rejointe par J. Schenck, producteur de Buster Keaton et également Samuel Goldwyn... « Les fous dirigent l'asile », disent de mauvaises langues.

L'arrivée du cinéma parlant (1927) ne l'empêche pas de réaliser l'un de ses films les plus beaux et plus émouvants, City Lights (Les Lumières de la ville, 1931). Sur le tournage, il accueille Winston Churchill, alors en tournée aux États-Unis. Et Albert Einstein lui fait l'honneur d'assister à la première du film, début d'une longue amitié pleine d'admiration réciproque entre les deux hommes.

Son dernier film muet, Modern Times (Les temps modernes, 1936), s'inspire très nettement du film tendre et drôle de René Clair, À nous la liberté (1932).

« C'est Hitler qui ressemble à Charlot »

Le Dictateur (Charles Chaplin, 1940 D'un long métrage au suivant, l'engagement politique de Chaplin devient de plus en plus vigoureux jusqu'à atteindre le summum dans The great dictator (Le dictateur, 1940). Mais cette caricature de Hitler est froidement accueillie aux États-Unis.

On appréciera d'autant plus la prescience du cinéaste que la Première du film a lieu à New York le 15 octobre 1940, soit alors même que débute l'asservissement de la Pologne et bien avant que le nazisme ne révèle toute son horreur avec la Shoah, celle-ci débutant à l'automne 1941.

Paris-Soir (27 décembre 1938) annonce la sortie du Dictateur de Chaplin avec une jolie formule : « Ce n'est pas Charlot qui veut ressembler à Hitler, mais Hitler qui ressemble à Charlot » (source : BNF, Retronews).

Le Dictateur (Charles Chaplin, 1940

Sortie de scène

Après la guerre, Charlie Chaplin réalise Monsieur Verdoux (1947) en s'inspirant de l'affaire Landru.

Lui-même, bel homme et cinéaste à succès, a une vie sentimentale agitée. Il se marie quatre fois, avec des femmes à peine sorties de l'adolescence. Il a au total dix enfants dont huit avec sa dernière épouse, Oona O'Neil, fille du dramaturge Eugene O'Neil (Prix Nobel de littérature 1936). Le couple se marie en 1943. Oona a alors 18 ans et lui 53. Ils resteront étroitement unis jusqu'à la mort.

Critiqué pour ses engagements politiques à l'époque du maccarthysme, il doit justifier devant une commission d'enquête du Sénat sa sympathie pour le combat de l'Union soviétique contre le IIIe Reich ! Mais son plaidoyer ne convainc pas les enquêteurs... 

En 1952, il va à Londres pour la Première de son film Limelight (Les Feux de la rampe), un long métrage où figure à ses côtés Buster Keaton, ancien rival du temps du muet tombé dans l'anonymat avec l'arrivée du cinéma parlant. Sur le paquebot qui l'emmène en Europe, Chaplin, qui est toujours resté citoyen britannique, apprend que son visa de retour en Amérique a été annulé. Contraint à l'exil, il va choisir de finir sa vie en Suisse.

Dans son autobiographie, il considèrera ce dernier quart de siècle comme la période la plus heureuse de sa vie même s'il ne rencontre plus au cinéma le succès d'antan. Il dénonce l'intolérance dans Un roi à New York et tourne un dernier film en 1967, avec Marlon Brando et Sophia Loren : La comtesse de Hong Kong. Échec commercial. Se détournant de la caméra, Charles Chaplin va dès lors exploiter son talent de musicien et de compositeur pour refaire les bandes sonores de ses premiers films !

En 1972, le cinéaste est longuement ovationné (12 minutes) à la cérémonie des Oscars, à Hollywood. Il est aussi anobli par la reine Elizabeth II en 1975. Charlot devient Sir Charles. Il s'éteint le jour de Noël 1977 dans sa belle résidence de Corsier-sur-Vevey, au-dessus du Léman, aujourd'hui transformée en musée à sa gloire.

Son personnage de Charlot demeure avec Tintin l'une des figures mythiques du XXe siècle.

Chaplin's World (Corsier-sur-Vevey, canton de Vaud, Suisse)
Publié ou mis à jour le : 2021-08-11 10:50:50

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