Villers-Cotterêts

François Ier : «Mon Plaisir»

La célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts, instituant l'état-civil et le français comme langue de l'administration, a été signée en 1539 dans l'un des châteaux favoris du roi François Ier.

Ce « petit Chambord » du Valois, à une heure en train de la gare du Nord (Paris), dans le département de l'Aisne, a beaucoup souffert de la Révolution, jusqu'à être livré aux toiles d'araignée et aux rats. Il a été sauvé in extremis en 2018, quand le président de la République Emmanuel Macron a décidé d'y établir une Cité internationale de la langue française. Celle-ci a été inaugurée le 30 octobre 2023.

Nul ne se plaindra de la restauration de cet édifice, l'un des rares témoins de la Renaissance française au nord de la Loire avec le château d'Écouen. L'architecte Jacques Androuet du Cerceau nous en a laissé de belles esquisses. Et rappelons que naquit à quelques rues de là l'un des plus merveilleux virtuoses de notre langue, Alexandre Dumas. Dans le même temps ou à peu près, dans la campagne environnante du Valois, un garçonnet s'énamourait d'une jolie Sylvie blonde. Il allait transcrire ses souvenirs d'enfance dans des poèmes signés Gérard de Nerval. Rappelons aussi que Villers-Cotterêts est à 10km de la Ferté-Milon, où naquit Racine...

André Larané

L'attrait d'une forêt giboyeuse

Aux alentours de l'An Mil, à son emplacement, auraient habité des seigneurs brigands qui détroussaient les voyageurs assez téméraires pour traverser la forêt, d'où le premier nom donné au lieu : la Malemaison (ou mauvaise maison).

Le château de Villers-Cotterêts (photo: Fabienne Larané-Vignolle)Le nom actuel, Villers-Cotterêts, est une déformation de la « villa à côté de Retz ». De fait, on se trouve ici en bordure de la giboyeuse et belle forêt de Retz.

La région relève au Moyen Âge du comté de Valois. Celui-ci tire son nom de son ancienne capitale, Vadum ou Vez, aujourd'hui Crépy-en-Valois. Le comté tombe dans le domaine royal en 1214, sous le règne de Philippe-Auguste. En 1284, le roi Philippe III le Hardi cède le Valois en apanage à son fils cadet, Charles.

Comme les trois fils de Philippe IV le Bel vont se succéder sans pouvoir donner d'héritier à la couronne, leur cousin Philippe de Valois, fils de Charles, monte à son tour sur le trône sous le nom de Philippe VI. Il clôt la lignée des Capétiens directs et inaugure la branche cadette des Valois, avant que celle-ci ne cède à son tour la place aux Bourbons, près de trois siècles plus tard.

Longtemps après, en 1498, le roi Louis XII donne le Valois à son jeune cousin et futur gendre, François d'Angoulême, alors âgé de 5 ans. Celui-ci découvrira les charmes de ce lieu, au coeur de la magnifique forêt de Retz en y venant chasser quelques années plus tard.

Au plaisir des rois

Un caisson du plafond de l'escalier de Villers-Cotterêts orné de la salamandre, emblème de François 1er (photo: Fabienne Larané-Vignolle)Devenu roi sous le nom de François Ier, il fait ériger le château actuel à son retour de captivité, après la défaite de Pavie, de 1532 à 1540, et fait de fréquents séjours dans ce château qu'il surnomme « Mon Plaisir ». François Rabelais et Clément Marot fréquentent le lieu.

Le château est encore agrandi sous le règne d'Henri II par l'architecte Philibert Delorme. Les fêtes organisées autour de Diane de Poitiers suscitent le dicton : « s'amuser comme à Villers-Cotterêts ». En 1661, Philippe d'Orléans, frère de Louis XIV, ayant hérité du Valois, il agrandit encore le château et commande au jardinier André Le Nôtre les aménagements du parc.

Anonyme Le Château de Villers-Cotterêts, seconde moitié du XVIIe siècle © Reproduction Benjamin Gavaudo - CMNLe jeune Alexandre Dumas, dont l'enfance se déroule entre le château, son parc et la forêt de Retz, en célèbre la splendeur : « Beaux arbres ! à l’ombre desquels s’étaient couchés François Ier et madame d’Etampes, Henri II et Diane de Poitiers, Henri IV et Gabrielle, vous aviez le droit de croire qu’un Bourbon vous respecterait ; que vous vivriez votre longue vie de hêtres et de chênes ; que les oiseaux chanteraient sur vos branches mortes et dépouillées, comme ils chantaient sur vos branches vertes et feuillues ! (...) Poète que je suis, il y a une chose que je préférerais à tout l’or de la terre, c’est le murmure du vent dans vos feuilles ; c’est l’ombre que vous faisiez trembler sous mes pieds ; ce sont les douces visions, les charmants fantômes qui, le soir, entre le jour et la nuit, à l’heure douteuse du crépuscule, glissaient entre vos troncs séculaires, comme glissent les ombres des antiques Abencérages entre les mille colonnes de la mosquée royale de Cordoue ! ».

Las, le château sera transformé en caserne par les révolutionnaires puis en dépôt de mendicité pour le département de la Seine par Napoléon Ier, en 1806.

Une partie des bâtiments a été consacrée jusqu'en 2015 à l'hébergement de vieilles personnes sans-domicile issues de Paris et l'on voit encore au-dessus du porche d'entrée, qui donne accès à la grande cour, l'inscription gravée dans la pierre : Maison de retraite du département de la Seine. Le reste est resté à l'abandon en attendant que la baguette magique du président de la République lui restitue un peu de sa splendeur d'antan. 

Les façades des quatre ailes du bâtiment sont restées en l'état mais à l'intérieur, rien ne subsiste de l'époque de la Renaissance, hormis la chapelle, conçue dans le goût italien et sobrement réhabilitée, ainsi que les deux escaliers qui la cernent de part et d'autre, avec une voûte abondamment ornée aux armes du roi, avec salamandres et figures mythologiques.

Chapelle restaurée du château de Villers-Cotterêts © Pierre-Olivier Deschamps, CMN

Le père de l'histoire romancée

Villers-Cotterêts s'honore d'être la ville natale de l'un des écrivains français les plus prolifiques, les plus lus et les plus souvent adaptés au cinéma : Alexandre Dumas. Il est né le 24 juillet 1802 (5 Thermidor an X) dans la maison de son grand-père maternel, Claude Labouret. Ancien patron de l'hôtellerie de l'Écu de France, celui-ci avait accueilli sous son toit, le 15 août 1789, un dragon de la Reine qui s'était trouvé être le fils d'un aristocrate normand et d'une esclave noire de Saint-Domingue.
Également appelé Alexandre Dumas, il s'était épris de Marie-Louise, la fille de son hôte, mais ce dernier n'avait consenti au mariage que le 28 novembre 1792, après que le soldat eut gagné ses galons de lieutenant-colonel... Le père de l'écrivain, bien que brillant général de la Révolution, allait être disgrâcié par le Premier Consul Napoléon Bonaparte et finir ses jours à Villers-Cotterêts, le 26 février 1806, laissant sa famille sans ressources.

Publié ou mis à jour le : 2023-11-01 07:18:25

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