Cristeros

N'écoutez pas les critiques !

J'hésitais à aller voir le film Cristeros, sorti en France le 14 mai 2012, en raison des critiques négatives à son sujet. Je ne m'y suis résolu que par conscience professionnelle, après avoir exposé sur Herodote.net les événements auxquels il se rapporte : la rébellion des paysans mexicains contre le gouvernement révolutionnaire qui avait prétendu éradiquer leur foi catholique.

Cristeros (Dean Wright, 2012)Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir un excellent film à grand spectacle, fidèle à l'Histoire à quelques réserves près. Il se regarde pendant 2h25 sans une seconde d'ennui et l'on en sort avec une vision exacte des événements qui ont ensanglanté le Mexique entre 1926 et 1929.

Ces événements ont une valeur universelle. Ils témoignent des horreurs auxquelles peut conduire le fanatisme et l'on pense immédiatement à la Vendée de 1793. On pense aussi aux persécutions infligées aujourd'hui aux chrétiens du Pakistan ou d'Irak sans que ceux-ci puissent se rebeller par les armes.

Le film, au demeurant bien équilibré, n'oppose pas le Bien au Mal. Il dresse du président mexicain Calles un portrait fidèle à la réalité, celui d'un homme d'État patriote et social, pétri de bonnes intentions mais aveuglé par sa haine de la religion. Il souligne par ailleurs le cynisme des dirigeants américains et du Saint-Siège, qui s'arrangent avec le gouvernement mexicain sur le dos des paysans opprimés.

Il ne cache rien du seul crime de guerre imputé aux rebelles Cristeros, l'incendie d'un train et de ses occupants. Il ne s'étend pas sur la Terreur autrement plus systématique pratiquée par les troupes fédérales de l'État mexicain, à l'exception du martyre bien réel d'un enfant de douze ans.

Plus largement, Cristeros se présente comme un hymne à la liberté de conscience et je m'étonne même que les représentants de l'islam de France ne l'aient pas recommandé à leurs ouailles car il donne matière à réfléchir sur les interdits qui pèsent sur le port du voile et toutes autres pratiques religieuses.

Il y a des précédents à ce film. Je pense à Mission, de Roland Joffé (Palme d'Or Cannes 1986), qui raconte à travers une fiction le drame des missions jésuites du Paraguay, persécutées par les oligarques locaux et abandonnées à leur sort par le Saint-Siège ainsi que par les « philosophes » voltairiens.

On peut aussi évoquer Le vent se lève, de Ken Loach, icône de la critique cinématographique (Palme d'Or Cannes 2006), une fiction engagée et ultraviolente autour de la guerre d'indépendance de l'Irlande.

Bien reçu au Mexique et aux États-Unis, le film Cristeros a fait un flop en Espagne.

En France, il a pâti à droite comme à gauche, dans les milieux laïcs comme dans les milieux religieux, d'une critique frileuse, tissée d'aprioris négatifs, qui condamne le film sans l'avoir vu, au motif que des intégristes catholiques auraient tenté de le récupérer (selon le même raisonnement, craignons qu'un jour Marine Le Pen n'affiche son goût pour La Flûte enchantée car l'opéra et Mozart seraient dès lors mis à l'Index !).

Cette critique est le reflet d'une société qui a perdu ses repères et n'ose plus afficher de convictions fortes tant est grande la peur d'être rejeté dans les ténèbres du lepénisme, du djihadisme, du mélenchonisme ou de je ne sais encore quel -isme.

Le comble du ridicule est atteint par Le Monde (hélas) avec une « critique » qui donne à penser que l'auteur n'a pas vu le film et, en tout cas, n'a pas pris la peine de se renseigner sur le fond historique. Il est exceptionnel que tant de bêtises et de contre-vérités s'enchaînent dans un aussi court texte. Ainsi assimile-t-il l'anticléricalisme mexicain (interdiction des ordres monastiques, confiscation des biens de l'Église, limitation du nombre de prêtres, expulsion des prêtres étrangers...) à la laïcité française !

Mais que dire de la critique publiée par le quotidien catholique La Croix ? D'emblée, l'auteur exprime son « malaise » devant un film qui bénéficie d'une « promotion appuyée » de « certains » milieux catholiques ! Et l'auteur de déplorer que le film force « le trait sur la brutalité des soldats de l’armée fédérale » et « oublie l’interdit évangélique de toute forme de violence, y compris pour défendre le Christ ».

On croit rêver. Les archives relatives à la Cristiade (la rébellion des Cristeros) montrent clairement que la Terreur gouvernementale allait bien au-delà de ce que révèle le film. Quand à « l'interdit évangélique », il est inapproprié quand il s'agit non pas de « défendre le Christ » mais de protéger sa famille et de préserver tout simplement sa liberté de conscience.

Notre regret : le film a été tourné en anglais et non en espagnol. Notons encore qu'il n'est pas destiné aux enfants de moins de douze ans.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2023-04-04 18:04:18
pmlg (01-07-2020 12:51:30)

Et pour qui veut vraiment connaître la vérité historique sur l'histoire des "Cristeros" qui évite les interprétations parfois trop tendancieuses où il est facile de tomber dès lors qu'on met en... Lire la suite

Valmont (03-06-2014 13:12:34)

Merci pour cet article qui m'a donné envie d'aller voir ce film qui traite d'un sujet méconnu. Cet article est intéressant à deux titres : d'une part sur son sujet principal, à savoir le film l... Lire la suite

mimine44 (03-06-2014 09:58:22)

Nous avons eu la même analyse en lisant des critiques et bravant celles-ci pour aller apprécier ce beau film sur un sujet très intéressant concernant la liberté religieuse et donc la liberté to... Lire la suite

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