20 mai 2015

Collège : une réforme qui fait presque l'unanimité contre elle

À la différence de leurs homologues britanniques, les partis français évitent les débats sur la pertinence de la monnaie unique, les orientations de la construction européenne, la prévalence du néolibéralisme financier ou encore l'immigration.

Le gouvernement et l'opposition partagent les mêmes choix (ou plutôt non-choix) sur ces questions de fond mais trouvent encore l'occasion de s'affronter sur des questions sociétales. Après le « mariage pour tous », voici donc la réforme du collège et l'Histoire...

Herodote.net, principal média d'Histoire sur internet, ne pouvait rester à l'écart de ces débats qui ont jeté dans la rue les enseignants le 19 mai et conduit d'éminents intellectuels de gauche à rallier leurs homologues de droite dans la dénonciation des projets gouvernementaux.

Nous avons essayé d'en cerner les contours et les enjeux.

Soulignons d'abord que nous avons affaire à deux débats simultanés mais tout à fait distincts qui traversent la gauche et la droite : une réforme de l'enseignement au collège et une réécriture des programmes d'Histoire au collège. Nous les traiterons donc séparément.

Quid de la « réforme » du collège ?

Chacun en France fait le constat d'une crise majeure de l'Éducation nationale avec aujourd'hui un quart des enfants qui, à l'issue du collège, ne maîtrisent pas plus la langue française que le calcul, matières essentielles à la socialisation et la professionnalisation.

Cette crise s'amplifie depuis deux décennies, en lien avec l'immigration mais aussi avec un système éducatif qui a renoncé aux deux objectifs de toute démocratie qui se respecte :
- tirer vers le haut les enfants les plus doués de tous les milieux et en particulier des plus modestes,
- assurer à tous les autres des bases solides qui leur permettent de s'intégrer dans la vie active et leur laisse la faculté de progresser ensuite par leurs propres moyens s'ils le souhaitent.

Si les syndicats d'enseignants sont vent debout contre toute velléité de réforme, c'est qu'ils veulent conserver leur mainmise sur la gestion de carrière des enseignants, une ineptie sans équivalent ailleurs qui déresponsabilise les chefs d'établissement et les réduit à une fonction de médiateur entre parents d'élèves, enseignants et administration.

Au contraire de la France, les pays dont on vante la qualité éducative, à commencer par la Finlande, ont pour caractéristique de laisser aux chefs d'établissement le libre choix de leur équipe enseignante (avec aussi des facilités pour les établissements difficiles : meilleurs salaires, classes à effectifs réduits...). Il s'agit aussi que les chefs d'établissement (écoles, collèges, lycées) puissent être jugés sur leurs résultats pédagogiques et démis en cas d'échec flagrant (une gageure dans le cadre actuel de la fonction publique !).

Tout acquis syndical devient très vite irréversible. C'est l'« effet cliquet ». Difficile de progresser dans ces conditions. On l'a vu avec la suppression par le président Sarkozy d'une demi-journée hebdomadaire et l'instauration de la semaine de quatre jours dans les écoles. Quand le président Hollande a voulu revenir sur cette disposition quelque peu démagogique, il n'a pas osé négocier avec les syndicats enseignants et a préféré demander aux maires d'occuper la demi-journée récupérée en mettant en place à leurs frais des activités périscolaires avec des vacataires ou des employés communaux !

Avec des moyens financiers à la baisse qui suivent les injonctions des comptables de Bruxelles et Francfort, le gouvernement en est réduit à bricoler des réformettes comme c'est le cas aujourd'hui dans les collèges. Pour le coup, il a réalise l'exploit de liguer contre lui la majorité de l'opinion :

1- Au nom de l'« égalitarisme », il restreint d'une part les enseignements du latin et du grec, d'autre part supprime les « classes bi-langues » destinées à accueillir les élèves assez doués pour apprendre deux langues étrangères dès la 6e : l'opposition de droite et certains intellectuels s'offusquent de ces régressions.

2- Il donne aux responsables d'établissement un brin d'autonomie avec la libre gestion d'un cinquième des horaires et la faculté d'organiser dans ces plages des « enseignements pratiques interdisciplinaires » :
- l'extrême gauche et les syndicats d'enseignants s'en indignent car ces EPI auront pour première conséquence de réduire les horaires réservés aux enseignements fondamentaux (français, mathématiques, sciences, histoire-géographie, anglais...),
- d'autre part, risque de se creuser le fossé entre collèges des beaux quartiers et collèges des quartiers ethniques, les premiers privilégiant les enseignements d'éveil, les seconds s'en tenant à des formations de rattrapage.

Joseph Savès
Des mots pour comprendre

Voici l'arrêté du 19 mai 2015 qui décrit la réforme du collège et ses « Enseignements pratiques interdisciplinaires » : Réforme du collège

Rappelons la structure de l'enseignement telle qu'elle ressort des textes embrouillés de l'Éducation nationale :

La scolarité de l'école maternelle à la fin du collège est organisée en quatre cycles pédagogiques :
- Le cycle 1, cycle des apprentissages premiers, en petite section, moyenne section et grande section d'école maternelle
- Le cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux, en cours préparatoire, cours élémentaire première année et cours élémentaire deuxième année d'école élémentaire
- Le cycle 3, cycle de consolidation, en cours moyen première année, cours moyen deuxième année d'école élémentaire et en classe de sixième, au collège
- Le cycle 4, cycle des approfondissements, en classes de cinquième, de quatrième et de troisième, au collège.

Ces cycles se sont substitués à d'autres cycles qui concernaient jusqu'en 2014 le collège :
- Le cycle d'adaptation (classe de sixième)
- Le cycle de consolidation (classes de cinquième et quatrième)
- Le cycle d'orientation (classe de troisième)

NB : l'école primaire est la réunion de l'école maternelle et de l'« école élémentaire ».

Publié ou mis à jour le : 2018-11-27 10:50:14

Voir les 8 commentaires sur cet article

Jean-Paul (09-08-2015 07:33:24)

Donner au chefs d'établissement la faculté de gérer la carrière des enseignants n'est qu'une illusion néfaste, en vérité la plupart d'entre eux n'ont aucune capacité pour cela et gèrent plutÃ... Lire la suite

maddy Renier (07-06-2015 15:48:29)

Merci pour la présentation de la réforme. Ce n'était pas clair pour moi.

Anonyme (07-06-2015 15:47:21)

Merci pour l'analyse de la réforme. Ce n'était pas clair pour moi.

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