Alexandre le Grand (356 av. J.-C. - 323 av. J.-C.)

Un conquérant de légende

Héritier d'un petit royaume que les Grecs cultivés regardaient avec mépris, la Macédoine, Alexandre le Grand s'est taillé un empire en dix ans, de l'Égypte aux portes de la Chine, jusqu'aux limites du monde connu des Grecs.

Il a, ce faisant, assuré à la culture hellénistique, avatar de la culture grecque classique, un immense rayonnement. Nous en percevons encore les traces, par exemple, dans les représentations de Bouddha dont les premières ont été sculptées à l'image d'Apollon par des artistes grecs établis au Gandhara (Inde du Nord) !

Fauché en pleine jeunesse, à 32 ans, sans avoir jamais connu de défaite, Alexandre le Grand est aussi le plus romanesque des conquérants.

Admirateur d'Achille, il a tous les traits d'un héros de l'Iliade, y compris les plus contestables : séduisant, énergique et téméraire, cultivé, amoureux des femmes et de toutes les formes de beauté, mais aussi brutal et cruel, intempérant, amateur de beuveries et poursuivi par la démesure (hubris).

Fabienne Manière

Détail du sarcophage dit d'Alexandre le Grand (musée archéologique d'Istanbul)

Jeunesse d'un héros

Si l'on s'en tient aux légendes entretenues par la famille royale, le nouveau-né se rattache par son ascendance aux divinités de l'Olympe et à Héraklès (Hercule).

Éduqué entre autres par le plus grand savant de l'Antiquité, Aristote, il s'illustre très jeune par son intelligence comme par son adresse et sa force physique.

C'est ainsi qu'il se signale à l'attention de la cour en domptant un cheval sauvage célèbre pour sa fougue, Bucéphale, qui le portera jusqu'aux rives de l'Indus  (il avait observé que l'animal avait peur de son ombre et il eut l'idée de le monter après l'avoir placé face au soleil).

Il est très tôt tiraillé entre sa mère Olympias, une princesse d'Épire qui idôlatre son fils, et son père, le roi Philippe II de Macédoine, lui-même un dirigeant d'exception mais qui trompe sa femme sans façon.

Philippe voit en son fils un héritier digne de lui. À seize ans déjà, Alexandre le remplace au gouvernement pendant une campagne contre la cité de Byzance. Après son succès à la bataille de Chéronée, Philippe lui aurait lancé, admiratif : « Mon fils, cherche-toi un autre royaume car celui que je te laisse est trop petit pour toi ! » Mais il en vient aussi à le jalouser et craindre pour son pouvoir.

Alexandre rompt avec son père quand celui-ci épouse une nouvelle femme, avec la perspective de donner un nouvel héritier au trône. Pour échapper à sa colère, il  s'enfuit de Pella, capitale de la Macédoine, et se réfugie en Épire, dans le pays de sa mère.

Père et fils ne tardent toutefois pas à se réconcilier et Philippe vérifie la loyauté d'Alexandre lors d'une expédition contre un peuple voisin, les Triballes. Mais un garde du corps assassine Philippe de son épée en août 336 av. J.-C. alors qu'il vient de déclarer la guerre à la Perse. Alexandre devient roi sous le nom d'Alexandre III. 

Stratège hors du commun

À 18 ans, aux côtés de son père Philippe II, Alexandre a pris une participation déterminante à la victoire des redoutables phalanges macédoniennes sur les Grecs à Chéronée, en défaisant le bataillon sacré des Thébains. C'est le début de son épopée. Deux ans plus tard, ayant succédé à son père sur le trône de Macédoine, il reprend le projet de celui-ci de battre les Perses et conquérir l'Asie.

Alexandre tranchant le nÅ“ud gordien, Giovanni Paolo Panini, vers 1718, Walters Art Museum.Il écrase en premier lieu une rébellion des cités grecques, dans laquelle s'illustre l'orateur Démosthène. Si Athènes est épargnée du fait de son prestige, il n'en va pas de même de Thèbes, qui est rasée et dont la population est réduite en esclavage.

Il rassemble enfin 40 000 soldats grecs et macédoniens, y compris une puissante cavalerie de 5 000 hommes, traverse le détroit du Bosphore et passe en Asie. L'expédition a été préparée avec minutie et méthode : le fidèle Antipatros garde le gouvernement de la Macédoine et maintient le contact avec l'armée, assurant l'envoi régulier de ravitaillement et de troupes fraîches. 

Remarquable stratège, Alexandre repousse en mai ou juin 334 av. J.-C. les Perses de Darius III sur les bords du Granique, un fleuve dans lequel il a failli se noyer, au sud du Bosphore. Sous l'effet de ce succès inattendu sur une armée bien plus nombreuse, il soumet avec une relative facilité la Grèce d'Asie, y compris les cités de Milet et d'Halicarnasse.

Le noeud gordien

De passage à Gordion, où il passe l'hiver 334-333, Alexandre se fait présenter le « noeud gordien ». Les mages de la ville assurent que la personne qui arrivera à dénouer ce noeud acquerra l'empire de l'Asie ! Alexandre ne s'embarrasse pas de manières et, d'un coup de son épée, tranche le fameux noeud !

À la poursuite de Darius

Alexandre à la bataille d'Issos (mosaïque, maison du Faune à  Pompéi, Musée archéologique national, Naples, d'après l'oeuvre disparue de Philoxène d'Érétrie)

Tandis qu'il s'apprête à passer de Cilicie en Syrie, Alexandre, à peine remis d'une violente fièvre, apprend que Darius tente de le contourner. Il lui livre bataille dans la plaine d'Issos et le vainc, mais renonce à le poursuivre vers l'Orient et préfère occuper d'abord l'Égypte. C'est chose faite après le long et difficile siège de Tyr. L'occupation de toute la côte méditerranéenne prive la flotte de son adversaire de toutes ses bases avancées.

Détail de la Bataille d'Arbèles, Charles Le Brun, 1669, musée du Louvre.Enhardi par ces premiers succès, il décide d'en finir avec l'empire perse et repousse les offres de négociation de Darius III. À son fidèle général Parménion, qui lui dit : « J'accepterais si j'étais Alexandre », il répond d'un ton méprisant : « Et moi aussi, si j'étais Parménion ! ».

Entrant en Égypte, il fonde en face de l'île de Pharos le port qui deviendra pour un millénaire la nouvelle capitale du pays et le centre du monde hellénistique. Elle porte encore son nom : Alexandrie.

Darius III ayant reconstitué son armée en faisant appel à toutes les ressources de son empire, le Macédonien part à sa rencontre au printemps 331 av. J.-C.. Il traverse le Tigre et l'Euphrate et se heurte enfin dans la plaine de Gaugamèles (ou Arbèles) à l'immense armée du dernier empereur perse de la dynastie des Achéménides, que l'on dit forte d'un million d'hommes et possède deux cents chars de guerre à faux. 

Tandis que Darius s'enfuit une nouvelle fois vers l'Orient, il s'empare de la Mésopotamie et de la Perse proprement dite. Il laisse ses soldats piller et brûler Persépolis, la prestigieuse métropole des Achéménides. C'est une façon de venger l'incendie par les Perses de l'Acropole d'Athènes en 480 av. J.C.

Scène de proskynèse, sur une fresque de Persépolis (musée de Téhéran)

Chef visionnaire

À cet écart près, Alexandre respecte les croyances des peuples conquis.

En Égypte, à la suite de son occupation du pays, il s'engage seul vers l'oasis de Siwa, dans le désert occidental, où se trouve un célèbre temple égyptien consacré à Ammon. Affectant l'humilité, il se présente nu devant l'oracle, lequel l'accueille en « fils du dieu Ammon ».

Monnaie grecque avec le profil d'Alexandre, orné des cornes de bélier du dieu AmonLe conquérant va user de cette élévation honorifique pour consolider son prestige auprès des soldats. Il se fait dès lors représenter avec, de part et d'autre de la tête, deux cornes de bélier, symboles du dieu Ammon.

À la différence des Perses qui l'ont précédé en Égypte, il va aussi honorer les dieux égyptiens de façon à se faire estimer et respecter par les habitants du pays.

En Perse, il adopte aussi certaines coutumes perses parmi les plus contestables comme la divinisation du roi, au grand scandale de ses hommes qui supportent mal de devoir se prosterner devant lui à la manière d'un empereur oriental (proskynèse).

Soucieux de réduire la fracture culturelle entre conquérants et conquis, il organisera aussi à Suse, en 324 av. J.-C., le mariage de dix mille de ses officiers et soldats avec autant de jeunes filles perses.

Lui-même a donné l'exemple en épousant une fille de Darius III... mais la seule épouse qui semble avoir possédé son coeur est une princesse de Bactriane, Roxane, capturée en 327 av. J.C.

Les noces d'Alexandre et Roxane (Sodoma, 1517, villa Farnesina, Rome)

Homme de la démesure

Après la soumission de la Perse, Alexandre va traquer le misérable Darius. Il n'aura pas le bonheur de le capturer vivant, le Roi des Rois ayant été assassiné au bord de la route par le satrape Bessos. Celui-ci paiera son forfait d'un écartèlement entre quatre arbres et Alexandre, recouvrant de son manteau la dépouille de son adversaire, s'en attribuera solennellement l'héritage après des funérailles solennelles en 330 av. J.-C.. 

Mais le chef chanceux veut poursuivre sa marche en avant, jusqu'aux confins du monde. Ses compagnons et ses soldats sont loin de partager son ambition mais ils ne peuvent rien moins que le suivre en Sogdiane (Asie centrale).

Tout le long de la route, il fonde des cités-relais sous le nom d'Alexandrie, dont plusieurs sont aujourd'hui de grandes cités. Ainsi Samarcande, Kandahar, Hérat, Kaboul.

Une sédition l'amène à sévir contre ses généraux, y compris son très vieil ami Parménion, mis à mort sur son ordre.

De plus en plus enclin à l'ivresse et à la colère, suspicieux à l'égard de son entourage, Alexandre s'en prend un soir de beuverie, en 328 av. J.-C., à son ami Cleitos. Celui-ci vante les mérites de son père Philippe II et des Macédoniens en général. Il reproche à Alexandre sa trop grande proximité avec les Barbares (Perses). 

Comme le ton monte, des gardes éloignent Cleitos de force mais celui-ci revient sur ses pas. Alexandre, ivre, se saisit alors d'une sarisse et perce la poitrine de son ami. Se rappelant que celui-ci lui avait sauvé la vie sur le Granique, il tente de se tuer sur son corps...

Monnaie célébrant la victoire d'Alexandre le Grand en Inde, vers 325 av. J-C, Londres, British MuseumQu'à cela ne tienne, Alexandre décide de poursuivre sa marche vers le sous-continent indien, jusqu'à l'extrême limite du monde connu.

Il franchit en 327 av. J.-C. les passes de l'Hindou-Kouch puis, à travers l'Afghanistan actuel, atteint l'Indus et le traverse l'année suivante. S'alliant au roi de Taxila, auprès duquel il découvre le bouddhisme et l'hindouisme, il affronte son rival, le roi Pauros (ou Pôros), à Aornos.

Celui-ci est battu par le Macédonien malgré ses éléphants de guerre harnachés, qui terrifient les Grecs. Le roi est présenté à son vainqueur couvert de chaînes. « Qu'attends-tu de moi ? », demande Alexandre à Pauros.
- Que tu me traites en roi, rien de plus ! Impressionné par la fierté de son adversaire, le vainqueur lui restitue son trône.

Alexandre, qui a eu la douleur de perdre son fidèle Bucéphale dans la bataille, manifeste le désir de poursuivre son avancée jusqu'au Gange d'où, croit-il, il lui sera possible de redescendre jusqu'en Égypte ! Mais ses hommes, épuisés et repus, refusent de le suivre plus loin et le roi, à contrecœur, après trois jours de réflexion, accepte de revenir sur ses pas jusqu'à Babylone, sa nouvelle capitale, pour se consacrer à l'organisation de ses conquêtes.

Le retour est dramatique. Une partie de l'armée, sous le commandement de Néarque, longe la côte en bateau, de l'embouchure de l'Indus à celle du Tigre. Le reste suit Alexandre à travers le désert littoral. Les trois quarts des hommes succombent de faim et de soif, y compris le plus cher compagnon (hétère) du conquérant, Héphestion, qui a droit à des funérailles exceptionnelles.

Alexandre le Grand atteint malgré tout l'antique Babylone dont il compte faire la capitale de son empire. C'est là qu'il est pris de fièvre à l'issue d'un banquet et meurt au terme de dix jours d'agonie le 23 juin 323 av. J.-C.

Faute d'héritier pour lui succéder, son empire sera, peu après sa mort, partagé entre ses généraux, dont Ptolémée qui arrive à faire inhumer le conquérant à Alexandrie d'Égypte.

Entrée d'Alexandre le Grand à Babylone (Charles Le Brun, 1665, musée du Louvre)

Alexandre et la conquête du monde

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Héritier d'un petit royaume que les Grecs cultivés regardaient avec mépris, la Macédoine, Alexandre le Grand s'est taillé un empire en dix ans, de l'Égypte aux portes de la Chine.

Son héritage va se perpétuer à travers la civilisation hellénistique, centrée sur Alexandrie-du-Nil.


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La Grèce antique
Publié ou mis à jour le : 2023-06-20 18:39:10

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