5 juillet 1971

Le scandale de la Garantie foncière

Le 5 juillet 1971, la Commission des Opérations de Bourse (COB) interdit à une société, la Garantie foncière, de solliciter désormais l'épargne par voie d'annonce publicitaire.

C'est le début d'un scandale qui va secouer l'opinion publique et déchirer la classe politique française. Il éclate sous la présidence de Georges Pompidou, dans une période de modernisation frénétique et de prospérité comme la France n'en a pas connue depuis le Second Empire. Pour cela, sans doute, le scandale sera assez vite oublié.

La « république des copains et des coquins »

La société en question est une société civile de placement immobilier (SCPI) créée le 31 décembre 1967 pour « acquérir des biens immobiliers et les louer ». Elle collecte le capital auprès des particuliers et l'investit dans la pierre et rémunère ses souscripteurs avec les revenus et les loyers de ses investissements.

Quand le scandale éclate, elle affiche déjà plus de 12 000 souscripteurs, pour un capital de 205 millions de francs, et annonce des intérêts de 10,25%, supérieurs à celui de toutes ses concurrentes.

Mais la COB la suspecte d'exagérer ses gains et de verser des intérêts avec l'argent apporté par les nouveaux souscripteurs (cette escroquerie du type « schéma de Ponzi » est à l'origine de plusieurs scandales dont le plus célèbre a mis en cause l'Américain Bernard Madoff en 2008).

Pour se couvrir, le fondateur et président de la Garantie foncière a jugé habile de s'associer un homme influent, à la fois homme d'affaires et homme politique, André Rives de Lavaysse, plus connu sous le nom de Rives-Henrys. Député de Paris, c'est un militant gaulliste de la première heure. Il n'en est pas moins inculpé le 19 juillet pour escroquerie, abus de confiance et abus de biens sociaux, de même que les époux Frenkel et un avocat-conseil de ses amis, Victor Rochenoir, lui aussi gaulliste bien en cour.

D'emblée, l'affaire se porte sur le terrain politique. Le mensuel d'extrême-droite Rivarol titre le 22 juillet 1971 : « À bas les voleurs ! ». De son côté, le quotidien L'Humanité projette une manifestation dansla rue. François Mitterrand, Premier secrétaire du tout nouveau Parti socialiste, dénonce l'affairisme de la droite.

Plus inquiétant pour le pouvoir, la coalition de droite se déchire. Le deuxième parti de la majorité, les Républicains Indépendants, dirigé par Valéry Giscard d'Estaing, ministre de l'économie et des finances, ne se fait pas faute de dénoncer la mainmise de son envahissant allié, l'UDR, l'ex-parti gaulliste, sur les rouages de l'administration. C'est « l'État-UDR ». Michel Poniatowski, ami proche de Giscard d'Estaing, s'en prend même à « la république des copains et des coquins ».

La formule fait mouche. Sans doute va-t-elle contribuer à la défaite aux présidentielles suivantes, en mai 1974, du candidat gaulliste Jacques Chaban-Delmas, d'autant que ce dernier, alors premier ministre, est atteint par la révélation dans Le Canard Enchaîné de sa feuille d'impôt. Elle montre qu'il ne paie aucun impôt grâce à une optimisation fiscale judicieuse.

Le procès de la Garantie foncière s'ouvre enfin à l'automne 1973. Rives-Henrys choisit pour sa défense maître Jean-Louis Tixier-Vignancour, avocat et candidat d'extrême-droite aux élections présidentielles de 1965. On peut craindre que les débats dérivent mais il n'en est rien.

En mars 1974, les principaux prévenus sont condamnés à des peines d'emprisonnement ferme. Mais le scandale a déjà échappé aux écrans radar. La mort du président Pompidou, l'accession à la présidence de Valéry Giscard d'Estaing et surtout la fin des Trente Glorieuses vont donner aux Français bien d'autres motifs de discussion.

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2020-12-04 16:07:51
mazou31 (05-02-2017 11:28:56)

Pourquoi n'est-il jamais dans cet article le fondateur de la Garantie foncière, un certain Robert Frenkel ? Il est peu connu certes mais le citer aurait participé à la précision des faits !

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