28 juillet 1755

Le Grand Dérangement des Acadiens

Le 28 juillet 1755, au Canada, les Anglais entament la déportation de plusieurs milliers de paysans français établis au sud du Saint-Laurent, au bord de l'Atlantique. Ils avaient le tort de ne pas vouloir prêter serment d'allégeance à la couronne britannique et combattre leurs cousins de Nouvelle-France. 

Ces rebelles vivaient depuis le siècle précédent sur une péninsule et des îles baptisées Acadie par leur découvreur en référence à une terre mythique de l'Antiquité. Plusieurs milliers allaient périr des suites de cette déportation demeurée dans l'Histoire sous le nom de « Grand Dérangement »...

Camille Vignolle

Un peuple courageux

Farouchement attachés à leur terre, leur langue et leur religion catholique, les Acadiens descendent de paysans originaires du Poitou, et plus particulièrement des villages de La Chaussée et Saint-Jean-de-Sauves.

Ils peuplent le territoire au XVIIe siècle, avant qu'il ne soit cédé à l'Angleterre par le roi Louis XIV en 1713, dans le cadre des traités d'Utrecht et rebaptisé Nova Scotia ou Nouvelle-Écosse (aujourd'hui, l'Acadie forme trois provinces canadiennes : sa partie continentale constitue le Nouveau-Brunswick et ses parties insulaires la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince-Édouard).

Pendant la première moitié du XVIIIe siècle, ils se voient heureusement dispenser du serment d'allégeance à la couronne britannique et ne sont donc pas obligés de combattre les Français et leurs cousins du Canada voisin (la Nouvelle-France).

Mais leur situation se gâte après la guerre de la Succession d'Autriche (1740-1748). En 1749, les Anglais donnent à leur colonie du bout du monde une nouvelle capitale, Halifax, et font venir 2 000 colons anglais ainsi qu'une troupe militaire...

Le serment d'allégeance

Un rude militaire du nom de Charles Lawrence vient prêter main forte au gouverneur avec le titre de lieutenant-gouverneur. Comme l'Angleterre se prépare à une nouvelle guerre contre la France (ce sera la guerre de Sept Ans qui débouchera sur la prise de Québec par les Anglais), il estime indispensable que les Acadiens prêtent enfin le serment d'allégeance à la couronne.

Il convoque en juillet 1755 une délégation d'Acadiens et leur déclare « qu'ils devaient maintenant se résoudre soit à prêter le serment sans réserve ou autrement de quitter leurs terres, parce que les affaires en Amérique étaient dans un tel état de crise, qu'aucun délai ne pouvait être toléré ».

Mais les délégués veulent au prélable être assurés de bénéficier de la plénitude de leurs droits de citoyens. Devant leur refus de prêter serment, le conseil d'Halifax ordonne le 28 juillet leur arrestation et décide de «répartir» dans les diverses colonies anglaises du continent les Acadiens qui persisteraient dans leur refus.

Des miliciens anglais se présentent dans les mois qui suivent dans les villages acadiens, rassemblent la population et la mettent en demeure de prêter serment ou de quitter le pays.

« Ainsi, sans plus tarder, je vais vous faire connaître les ordres de sa Majesté. Vos terres, vos maisons, votre bétail et vos troupeaux de toutes sortes sont confisqués au profit de la Couronne avec tous vos autres effets, excepté votre argent et vos meubles, et vous-mêmes devez être transportés hors de cette province », déclare le lieutenant-colonel John Winslow aux habitants de la Grand-Prée rassemblés dans leur église...

Sur les 12 000 à 18 000 Acadiens, quelques milliers prennent les devants et se refugient dans les colonies voisines encore françaises, comme l'île Saint-Jean, future île du Prince-Édouard. Ils lancent de là des attaques contre les Anglais.

Les autres Acadiens sont conduits par vagues successives vers des bateaux qui vont les transporter vers l'une ou l'autre des colonies anglaises (les futurs États-Unis). Les opérations vont s'étirer pendant toute la durée de la guerre de Sept Ans, jusqu'en 1763.

Cet exode appelé « Grand Dérangement » va concerner 7 000 à 8 000 personnes dont une grande partie qui n'arriveront pas au bout de leur voyage, victimes de la faim ou de la maladie.

Les Cajuns, du Maryland à la Louisiane

Dans la colonie anglaise du Maryland, une poignée de déportés ne se résignent pas à la tutelle anglaise et s'enfuient au péril de leur vie vers la Louisiane... juste avant que cette colonie française ne passe sous souveraineté espagnole !

Établis dans les mangroves du delta du Mississipi, ils donneront naissance à la communauté des « Cajuns » (une déformation du mot Acadien). On en recense environ 800 000 aujourd'hui. Très peu parlent encore l'ancien dialecte français. La Canadienne Antonine Maillet a remis à l'honneur cette culture avec son célèbre roman : Pélagie-la-Charrette (1979).

Une journée commémorative

Dans une proclamation du 28 juillet 2003, la reine Elizabeth II, souveraine du Canada, a reconnu les torts qui ont été causés au peuple acadien lors de la Déportation et a désigné le 28 juillet de chaque année, à compter de 2005, comme « Journée de commémoration du Grand Dérangement » (227).

Publié ou mis à jour le : 2022-07-28 15:50:21

Voir les 4 commentaires sur cet article

Picotte (26-07-2020 11:44:00)

Il est nécessaire de préciser que la très forte majorité de ces personnes se considéraient comme acadiennes de naissance, et qu'aucun ne voyait la nécessité de prêter serment au roi britanniqu... Lire la suite

LOIGNON (29-07-2019 09:24:31)

A l'intention de JJ Branchu : il existe un village de réfugiés acadiens correspondant à cette description dans le département de la Vienne près de Chatellerault à Archigny. Nul doute que l'équ... Lire la suite

jjbranchu (30-04-2014 16:37:14)

J'ai visité, il y a quelques années, un village d'Acadiens qui s'étaient réfugiés en France, mais je ne me souviens plus du nom de ce village ni de sa localisation (dans l'Orléanais ??): un vill... Lire la suite

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