1546 à 1830

L'Algérie à la veille de la conquête française

Au début des temps modernes, au XVIe siècle, dans la Régence d'Alger comme dans les autres ports, Bougie ou Oran, les corsaires obéissent à un dey ou un pacha au pouvoir discrétionnaire, théoriquement vassal du sultan d'Istamboul mais en fait indépendant.

Leur principale source de revenus est la guerre de course en Méditerranée, en d'autres termes la piraterie. Des recéleurs européens revendent le fruit des rapines en passant par le port franc de Livourne, en Italie.

Repaire de corsaires

On évalue à un million le nombre d'Européens de l'Ouest qui sont enlevés par les Barbaresques au cours de batailles navales et de razzias sur les côtes européennes, entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Les prisonniers sont réduits en esclavage dans les propriétés et les harems d'Afrique du Nord.

Les plus chanceux, comme le soldat Cervantès en 1575, sont libérés contre rançon. Quelques-uns arrivent à s'évader. C'est le cas du prêtre Vincent de Paul, futur saint de l'Église catholique, qui a été réduit en esclavage à Tunis en 1605. Les autres prisonniers n'ont guère d'autre choix que de se convertir. Cela nous permet de penser que la plupart des Algériens actuels ont des ancêtres provençaux ou corses.

Au XVIIe siècle, le roi de France Louis XIV relance la guerre contre les corsaires d'Alger et de Tunis en vue d'assainir la Méditerranée (et pour s'acheter une conduite de bon chrétien).

Sur son ordre, un corps expéditionnaire français de quelques centaines d’hommes, commandé par le duc de Beaufort, tente de prendre pied en petite Kabylie, à Jijel, mais il heurte très vite les sentiments de la population en occupant un marabout (lieu saint) et un cimetière. Après trois mois d’escarmouches, il est défait le 31 octobre 1664 par les habitants, assistés des janissaires du dey d’Alger.

En 1683, les galères du lieutenant général Abraham Duquesne bombardent Alger. En représailles, le père Le Cacher et 20 autres captifs sont exécutés à la bouche d’un canon. Duquesne n’en obtient pas moins du dey la libération de tous les captifs et esclaves chrétiens.

Ces derniers, de retour en France, conservent le souvenir de leur captivité dans leur patronyme. Ainsi, les noms de famille comme Maury, Maureau, Moreau... tous dérivés de Maure, évoquent un lointain ancêtre délivré par les galères de Louis XIV.

En 1775, près d'un siècle après Louis XIV, son lointain descendant le roi d'Espagne Charles III tente à son tour de s'emparer d'Alger et de la Régence pour mettre un terme à la course. Il confie l'opération à l'un de ses meilleurs soldats, le maréchal d'origine irlandaise Alejandro O'Reilly. Malgré l'engagement de 22 000 hommes et 300 navires, l'expédition tourne au désastre face à la mobilisation de tous les deys de la région et de leurs cavaliers. 

Quand les Français débarquent à Sidi Ferruch, en 1830, la guerre de course est depuis longtemps moribonde et Alger n'est plus que l'ombre d'elle-même. Il n'empêche qu'à la veille de la conquête, les Français imaginent encore Alger comme une caverne d'Ali Baba, pleine de trésors et de troubles mystères. Les peintres orientalistes vont mettre en lumière une réalité plus prosaïque et honorable...

Alban Dignat
L'Algérie rêvée des romantiques

Sous le règne de Louis-Philippe Ier comme sous celui de Napoléon III, l'esprit des Lumières et le romantisme inspirent à l'égard de l'Algérie une attirance mêlée de curiosité. Il n'est que de constater la vogue de l'« orientalisme » dans l'art et la littérature. Ce courant parcourt le début du XIXe siècle, de Chateaubriand à Nerval. Il ne s'épuisera que dans les années 1880.
La chasse au faucon en Algérie, par Eugène Fromentin (1862, musée d'Orsay, Paris) De nombreux peintres expriment à travers leurs oeuvres l'estime et l'attirance que leur inspire la société algérienne.
C'est le cas d'Eugène Delacroix (Femmes d'Alger), Eugène Fromentin, Théodore Chassériau ou encore Horace Vernet, peintre de la guerre d'Algérie.
Ces grands artistes se plaisent à représenter la société algérienne sous des aspects chevaleresques et nobles, comme ci-contre dans La Chasse au faucon (Eugène Fromentin, 1862). On y discerne de la nostalgie pour un Âge d'Or en voie de disparition.
Les officiers de Louis-Philippe comme de Napoléon III, souvent de souche noble et respectueux du catholicisme, apprécient aussi la société aristocratique algérienne. Ils communient volontiers avec les nobles locaux dans l'amour de la chasse et des chevaux.
Ils partagent également avec eux les valeurs familiales. Napoléon III lui-même cultive le projet de faire de l'Algérie un « royaume arabe » dont il serait le souverain, attaché mais non soumis à la France, selon le modèle que mettra plus tard en oeuvre Lyautey au Maroc.

Ali Ben Ahmed, dernier khalife de Constantine (Théodore Chassériau, 1845, musée de Versailles). Agrandissement : Fantasia (détail, Eugène Delacroix, 1832, musée Fabre, Montpellier)

Cette empathie va disparaître avec la chute de l'Empire en 1870... Sous la IIIe République, les dirigeants laïques comme Jules Ferry tendront à ravaler les Algériens et les non-Européens en général dans la catégorie des « races inférieures » qu'il importe de « civiliser ». Il ne sera plus question de les représenter sous des aspects flatteurs.

Publié ou mis à jour le : 2023-08-25 18:28:25

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