1096-1099

Succès de la première croisade

Les guerriers francs d'Occident répondent en masse à l'appel du pape Urbain II, au concile de Clermont, en 1095, à faire le voyage de Jérusalem et délivrer le tombeau du Christ.

À la différence des paysans empressés de suivre tel ou tel prédicateur comme Pierre l'Ermite, ils prennent le temps de s'organiser. C'est le 15 août 1096, selon les instructions du pape, qu'ils se mettent en route pour la Terre sainte, sous la direction du légat pontifical Adhémar de Monteil.

Pierre l'Ermite prêche la croisade en 1095 (miniature de 1311)

Les croisés au secours de Byzance

L'expédition part sur un malentendu : au concile de Plaisance de mars 1095, les envoyés du basileus (empereur) Alexis Ier Comnène avaient appelé les chevaliers francs à venir au secours de Byzance. Mais par son appel de Clermont, en novembre suivant, le pape Urbain II modifie la donne. Il organise une expédition sous son égide, en forme de pèlerinage, « sans recherche de gloire ou d'argent ».

L'expédition comprend quatre armées :
• Comme le roi Philippe Ier était sous le coup d'une excommunication et ne pouvait participer au voyage, les Français du nord se sont placés sous le commandement de Hugues de Vermandois.
• Les chevaliers des régions du Rhin et de la Meuse, au nombre de 10 000, sont dirigés par le comte Baudouin de Flandre et son frère, le duc de Basse-Lotharingie Godefroi (ou Godefroy) de Bouillon. Ce dernier n'a pas hésité à vendre ou engager une grande partie de ses domaines pour financer son expédition.
• Les Français du midi suivent le comte de Toulouse, Raimon IV de Saint-Gilles.
• D'Italie méridionale part une armée commandée par Bohémond de Tarente. Celui-ci est le fils de Robert Guiscard, l'un des seigneurs normands qui règnent sur la Sicile et l'Italie du sud. Il est accompagné de son neveu Tancrède.

« C'est Byzance ! »

Godefroi de Bouillon et ses compagnons (miniature du XVe siècle, BM d'Amiens)Les armées venues de France se rejoignent à Constantinople. Au total 150 000 personnes, seigneurs, soldats, clercs et serviteurs. Par son faste et sa munificence, la ville suscite l'émoi chez ces frustes guerriers d'Occident. Elle est à cette époque la plus grande cité du monde et sans doute la plus belle et la plus animée.

De cette rencontre entre l'Occident et l'Orient nous reste l'expression triviale : « C'est Byzance ! »

Les Byzantins, de leur côté, croient pouvoir employer les Occidentaux à leur service comme de simples mercenaires. Ils ne tarderont pas à déchanter car les croisés n'ont nullement l'intention de se mettre sous leurs ordres. 

Mais pour l'heure, Godefroi de Bouillon s'agenouille devant l'empereur et invite les autres croisés à faire de même. Alexis Comnène s'engage à aider les armées de croisés à traverser le Bosphore. Il promet de leur donner des guides et quelques détachements pour la traversée de l'Anatolie. 

En échange, Godefroi promet à l'empereur de lui restituer tous les territoires qui seront repris aux Turcs et avaient naguère appartenu aux Byzantins (mais comme chacun sait, les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent).

Conquête difficile

Les croisés traversent le détroit du Bosphore. En mai 1097, avec leurs puissantes machines de siège, ils s'emparent de Nicée (aujourd'hui Iznik), qu'ils restituent comme promis à l'empereur Alexis Ier.

Le sultan Kilij Arslan croyait jusque-là n'avoir affaire qu'à des mercenaires engagés par le « roi des Roms », Alexis Comnène. Il se rend compte que les croisés sont mûs par une ardeur nouvelle qui les rend infiniment dangereux. Il envoie à leur rencontre une nombreuse armée de cavaliers. Mais celle-ci est défaite à Dorylée, au nord-ouest de l'Anatolie, le 1er juillet 1097, grâce à la charge in extremis d'une centaine de chevaliers conduits par Godefroi de Bouillon.

Les croisés, malgré un sol escarpé et un climat torride, franchissent le défilé du Taurus et débouchent dans les plaines de Cilicie. Entre temps, la quatrième armée, venue d'Italie méridionale, a débarqué à Constantinople et rejoint les autres.

Siège d'Antioche par les croisés en 1097 (miniature française de 1490) Bohémond de Tarente met le siège devant la ville d'Antioche, au nord de la Syrie. C'est la première cité importante sur le chemin de Jérusalem.

Pendant le siège, si l'on en croit la chronique citée par l'historien René Grousset, il se débarrasse d'une curieuse façon des espions musulmans qui infestent le camp: il ordonne de mettre à la broche des prisonniers turcs et à qui l'interroge, il répond sur un ton naturel qu'il s'agit d'améliorer l'ordinaire de l'état-major avec des espions. Ces derniers ayant discrètement vérifié la chose ne se le font pas dire deux fois et quittent le camp sans attendre !

Le même Bohémond fait croire aux Byzantins qui l'accompagnent que des Francs de son armée en veulent à leur vie. Sans demander leur reste, les Byzantins s'enfuient. Alors, Bohémond réunit ses hommes et leur déclare que les Byzantins l'ayant abandonné, il se libère de son engagement de vassalité à l'égard de l'empereur byzantin ! Ce qui lui permet de se proclamer prince d'Antioche le 2 juin 1098, lors de la chute de la ville après huit mois de siège et des pertes considérables chez les assiégeants comme chez les assiégés.

C'est ainsi qu'au lieu que la croisade aboutisse à la récupération par Byzance de ses provinces du Levant, elle conduira à la création de colonies franques. Mauvais calcul car, isolées de leur base arrière, elles seront vouées à une disparition rapide.

Si l'on en croit encore la chronique, c'est un habitant de la ville, un certain Firouz, fabricant de cuirasses de son état, qui aurait ouvert les portes de la ville aux croisés pendant la nuit, pour se venger de sa femme qui l'avait trompé !

Les croisés grisés par le pouvoir

Au terme de ces épreuves, les croisés sont à bout : longues marches sous la chaleur, maladies et manque de nourriture, sièges épuisants, combats frontaux contre les cavaliers turcs... Un très grand nombre d'entre eux sont morts en chemin et chez les survivants, la lassitude le dispute à la foi.

Après la mort du légat pontifical, le 1er août 1098, beaucoup de seigneurs oublient la promesse faite à l'empereur byzantin et ne résistent plus à la tentation de s'offrir une principauté. Ainsi, à l'imitation de Bohémond de Tarente, qui s'est proclamé prince d'Antioche, Baudouin de Flandre attaque pour son compte la ville d'Édesse, en Mésopotamie du nord, au-delà de l'Euphrate.

Les croisés font ensuite le siège de la ville syrienne de Maaret en-Nomân (ou Maarat al-Numan), sur le chemin de Jérusalem. La ville est prise mais Bohémond et Saint-Gilles, qui se haïssent comme il n'est pas possible, s'en disputent la possession. L'expédition menace de s'enliser dans les querelles intestines.

C'est alors que survient un événement inattendu : le 2 janvier 1099, les pèlerin misérables de l'expédition s'insurgent. Pour obliger les grands seigneurs à reprendre leur voyage, ils décident de détruire eux-mêmes Maaret. Chose dite, chose faite. Au bout de quelques jours, il n'en reste plus une pierre debout. Ce qui n'arrange pas la situation des croisés, voués à la faim et au cannibalisme...

Le cannibalisme, dites-vous ? Des témoignages concordants attestent de cette pratique, inspirée par la nécessité de la survie et également par la haine de l'ennemi, dont les cadavres sont embrochés et rôtis. Les croisés vont de ce fait et pour longtemps s'attirer une réputation odieuse au sein des populations musulmanes.

la première croisade, 1095-1099 (droits réservés : Alain Houot)

La prise de Jérusalem

Enfin, les chefs de l'expédition se ravisent. Raimon de Saint-Gilles surmonte le premier la griserie du pouvoir.

Après quelques mois d'hésitation, il reprend sa marche vers Jérusalem en suivant la corniche libanaise. Il est bientôt rejoint par Godefroi de Bouillon.

Les rivalités entre musulmans vont servir les croisés. Pendant que les troupes turques du calife de Bagdad combattaient les croisés en Syrie, les musulmans fatimides d'Égypte profitaient de la situation pour attaquer la Palestine. C'est ainsi que le 26 août 1098, les Égyptiens avaient enlevé aux Turcs la ville de Jérusalem... avec les encouragements des Francs. Quand, un an plus tard, Raimon de Saint-Gilles et Godefroi de Bouillon arrivent au pied des murailles de Jérusalem, ils ont en face d'eux une ville en état de choc, avec des défenses affaiblies par un premier assaut.

Après un siège de plusieurs semaines, ils arrivent à bout de la garnison égyptienne et pénètrent dans la ville. Enfreignant les ordres de leur chef, les croisés massacrent les habitants qui s'étaient réfugiés dans les mosquées.

Avec la prise de Jérusalem, la croisade a atteint le but fixé par Urbain II, non sans d'immenses souffrances. Sur environ 150 000 croisés, combattants et non-combattants, moins d'un dixième sont arrivés au terme du voyage. Mais ceux-là ne sont pas au bout de leurs difficultés...

André Larané
Publié ou mis à jour le : 2021-01-17 19:07:34

Aucune réaction disponible

Respectez l'orthographe et la bienséance. Les commentaires sont affichés après validation mais n'engagent que leurs auteurs.

Actualités de l'Histoire
Revue de presse et anniversaires

Histoire & multimédia
vidéos, podcasts, animations

Galerie d'images
un régal pour les yeux

Rétrospectives
2005, 2008, 2011, 2015...

L'Antiquité classique
en 36 cartes animées

Frise des personnages
Une exclusivité Herodote.net